Tunisie : À bas Ennahda, à bas la “Troïka” !
L’UGTT et le Front populaire doivent offrir une stratégie pour en finir avec le capitalisme – Non à des accords avec des forces liées à l’ancien régime !
Vers un gouvernement
révolutionnaire et socialiste des travailleurs, de la jeunesse, des
chômeurs et des masses pauvres !
Appel par notre
camarade Serge Jordan (CIO)
Deux ans et demi
après la chute de Ben Ali, la situation pour les masses
tunisiennes n’a fait qu’aller de mal en pis, et la colère
gronde comme jamais aux quatre coins du pays. Le fameux
slogan de la révolution « Pain, liberté, dignité
nationale » n’a sans doute jamais autant été en
contraste avec la réalité vécue sur le terrain par des millions
de Tunisiens et de Tunisiennes, faite d’une explosion insupportable
des prix, de l’absence d’emplois et de perspectives pour les
jeunes, d’une augmentation de l’insécurité et de la violence
terroriste, d’une paupérisation accélérée des classes moyennes,
d’une “colonisation” rampante des rouages de l'appareil de
l’État par le parti islamiste, d’attaques redoublées sur les
maigres acquis démocratiques…
Dans ce contexte,
l’assassinat politique du dirigeant d’opposition de gauche
Mohamed Brahmi ne pouvait être qu’un nouveau catalyseur
de la furie des travailleurs, des jeunes et des masses
révolutionnaires, dont la volonté de se débarrasser du régime de
la “Troïka” (la coalition au pouvoir dirigée par Ennahda) a
atteint un point de non-retour. Depuis cet assassinat, le pays
traverse une crise politique sans précédent, et, malgré la
chaleur intense et le jeune du Ramadan, vit au rythme des
manifestations quotidiennes, des sit-ins et des grèves, et d’un
climat proche de l’insurrection dans certaines régions pauvres et
militantes de l’intérieur du pays en particulier.
Mohamed Brahmi, assassiné par onze balles devant sa femme et ses enfants |
Le pouvoir nahdaoui au pilori
La survie du régime
islamiste en Tunisie est clairement posée. Les masses demandent
partout la chute de ce dernier, et la centrale syndicale UGTT
(Union générale des travailleurs de Tunisie) a émis un ultimatum
d’une semaine au gouvernement pour se rendre avant d’envisager
d’autres actions. Dans la capitale Tunis, tous les jours,
des dizaines de milliers de manifestants se réunissent
devant le parlement au Bardo pour exiger la fin du gouvernement, un
sit-in ouvert joint aussi par des “caravanes” provenant de
l’intérieur du pays.
Même dans les
coins les plus reculés de la Tunisie, des manifestations
massives, y compris en pleine nuit, expriment clairement le rejet
viscéral du pouvoir en place, tandis que le rassemblement
pro-Ennahda de samedi dernier, point culminant de la contre-offensive
du parti au pouvoir, faisait toujours pâle figure face au “million”
de personnes annoncées au préalable par la direction de ce parti,
et ce malgré tous les efforts logistiques déployés. Surtout
lorsque l’on sait que beaucoup de ces manifestants étaient payés
pour manifester leur attachement à la “légitimité” !
Le gouvernement est
isolé comme jamais, sa cote de popularité est en chute libre dans
les sondages, et son emprise sur la situation, en particulier dans
les régions intérieures du pays, est proche de zéro. Dans
certaines localités, des structures de pouvoir parallèles ont
émergé de la lutte, montrant ce qu’il est possible de faire
pour se débarrasser dans les faits de ce pouvoir honni. Le silence
quasi complet dans les médias dominants sur ces développements
indique l’état de panique qui traverse les classes dirigeantes
quant au risque d’ “émulation” de ces expériences ailleurs.
Dans la ville de
Sidi Bouzid par exemple, berceau de la révolution tunisienne,
les habitants refusent désormais tout lien avec les autorités
officielles nahdaouies, et ont érigé un Comité de salut qui a
pris en mains les affaires de la ville. La permanence locale du
parti Ennahda a été fermée, et les manifestants se rassemblent
quotidiennement devant les bâtiments du gouvernorat pour empêcher
le retour de l’ancien gouverneur. Les forces vives de ce
mouvement sont constituées de militants du “Front populaire”
(coalition de divers partis de gauche et nationalistes) et de
syndicalistes de l’UGTT. Des conseils similaires ont été créés
dans trois localités dépendant du gouvernorat de Sidi Bouzid :
Regueb, Mekessi et Menzel Bouzaïene. Mais Sidi Bouzid
n’est pas la seule région du pays à ne plus reconnaitre le
pouvoir central. Au Kef, à Gafsa, à Sousse, à Kairouan, et en bien
d’autres endroits, des comités locaux sous diverses formes ont été
mis sur pied en vue de gérer les affaires locales.
Pour agrandir leur
soutien de masse et assurer leur caractère authentiquement
révolutionnaire, ces comités devraient être élus
démocratiquement par la base, avec des délégués soumis à
révocabilité. Par ailleurs, il est essentiel que ces
expériences ne restent pas isolées à l’échelon local, car une
telle situation donnerait plus de latitude à l’appareil d’État
pour les étouffer dans l’œuf. Il est essentiel que tous les
efforts soient au contraire entrepris en vue de les élargir à
l’ensemble du territoire et, en les liant entre eux au travers de
comités démocratiquement élus à chaque niveau, de poser les
bases en vue de l’établissement d’un gouvernement des
travailleurs, des jeunes et des masses pauvres. Un simple appel dans
ce sens de la part de l’UGTT serait suffisant pour transformer la
situation dans le pays en l’espace de quelques heures, de balayer
le régime actuel dans les poubelles de l’histoire, et de donner un
nouveau souffle à la révolution.
Occupation du gouvernorat de Sidi Bouzid |
Crise au sommet
Le pouvoir tremble
sur ses bases et est maintenant entré dans une phase avancée de
désintégration. Les prétentions pathétiques des dirigeants
d'Ennahda à parler encore au nom de la révolution ne vont tromper
personne. Depuis que ce parti est arrivé au pouvoir, plus de 40.000
grèves, plus de 120 000 sit-ins, et environ 200 000
manifestations ont eu lieu à travers le pays. De quelle révolution
parlent-ils donc ?
Tout indique que le
gouvernement actuel ne survivra pas la présente crise. Déjà le
ministre de l’Enseignement, Salem Labyedh, a remis sa
démission, et d’autres ministres ont menacé de faire de même.
Ettakatol et le CPR, partis fantoches qui jouent depuis le début le
rôle de cinquième roue du carrosse nahdaoui, continuent leur
descente aux enfers, tandis que le porte-parole d’Ettakatol a
annoncé que le parti se retirerait de la coalition gouvernementale à
moins que le cabinet ne soit dissous et remplacé par un cabinet
d’union nationale. La chute du gouvernement de la “Troïka”
n’est sans doute plus maintenant qu’une question de temps.
Le grand
révolutionnaire russe Lénine définissait comme une “crise
révolutionnaire” une situation marquée par l’impossibilité
pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une
forme inchangée, par l’aggravation plus qu’à l’ordinaire de
la détresse et de la misère des classes opprimées, et par une
accentuation considérable de l’activité des masses. Sans aucun
doute, ces ingrédients évoquent la situation en Tunisie
aujourd’hui, et le scénario exprimé par tant d’activistes d’une
“nouvelle révolution” n’est pas loin.
Cependant, Lénine
rajoutait que la révolution ne surgit pas de toute situation
révolutionnaire, mais seulement dans le cas où, à tous les
changements objectifs énumérés ci-dessus, vient s’ajouter un
changement subjectif, à savoir : « La capacité, en ce
qui concerne la classe révolutionnaire, de mener des actions
révolutionnaires de masse assez vigoureuses pour briser complètement
l’ancien gouvernement, qui ne “tombera” jamais, même à
l'époque des crises, si on ne le “fait choir”. »
D’où l’importance
pour les révolutionnaires de s’armer d’un programme d’action
audacieux et répondant aux nécessités du moment. Un parti de
masse véritablement marxiste pourrait, dans une telle situation,
faire une différence énorme et décisive. Les forces pour
construire un tel parti ne manquent pas, parmi les dizaines
de milliers de travailleurs et de jeunes tunisiens qui
s’identifient aux idées socialistes et communistes, et dont
beaucoup sont dans et autour de la coalition du Front populaire.
Un programme pour un tel parti aurait besoin de s’enrichir des
expériences passées, et en dégage les leçons nécessaires à
chaque étape. Et une de ces leçons essentielles en Tunisie
aujourd’hui est la nécessaire indépendance politique des
forces révolutionnaires, des travailleurs et de leur syndicat
l’UGTT, par rapport aux velléités et tentatives de sabordage
de la révolution orchestrées par les classes ennemies.
En effet, les
forces néolibérales, celles liées à l’ancien régime ainsi
que les puissances impérialistes, traversées par une vague de
frayeur quant à la possibilité d’une nouvelle conflagration
révolutionnaire, cherchent par tous les moyens à bloquer la
dynamique en cours et à reconstruire un pouvoir politique
capable de faire barrage aux revendications des masses, de préserver
les intérêts de l’élite capitaliste et la continuité de son
appareil d’État, mis à mal par les développements récents.
Les déclarations de
Néjib Chebbi, dirigeant du parti d’opposition libéral
“Al Joumhouri”, qui évoque le risque d’un mois de
septembre socialement « très chaud » et réfère aux
conséquences de la crise sociale en termes quasi apocalyptiques, en
disent long sur l’état d’esprit qui doit régner dans les villas
et les salons de la bourgeoisie tunisienne. « Ce sera Siliana
1, 2, 3… à Sidi Bouzid, Gafsa, Kasserine, le Kef sans oublier
les grandes villes du littoral, avec leurs cortèges de comités
autonomes », dit-il.
Ces gens savent
maintenant que le régime de la Troïka est sur ses genoux, et
tentent d’exploiter le mouvement en cours pour avancer leurs
pions sur l’échiquier politique et, en jouant d’une certaine
fibre populistes dans leurs discours, essaient par tous les moyens
de canaliser la colère populaire dans un sens favorable aux classes
dirigeantes. Face à ces pressions, Ennahda tente de sauver la
face, et se dit prêt à ouvrir le gouvernement à d’autres partis,
tout en refusant de céder le poste de chef du gouvernement.
Cependant, la crise
actuelle ne peut se résumer à une question de postes ministériels,
à l’incompétence ou à la mauvaise foi de l’un ou de l’autre
politicien. La crise actuelle trouve sa source dans l’incapacité
de ceux au pouvoir d’offrir autre chose qu’une voie de garage aux
revendications révolutionnaires des masses tunisiennes. Et ce pour
une raison bien simple : ce pouvoir défend les intérêts de la
classe capitaliste, des multinationales et des fonds
d’investissements, des hommes d’affaires et des spéculateurs,
tous ceux dont le seul but est de continuer par tous les moyens à
exploiter le peuple tunisien pour satisfaire leur soif de profits.
Dans cette optique,
toutes les forces politiques qui défendent ce même système
capitaliste, un système qui nage dans une crise économique profonde
à l’échelle internationale, se retrouveront rapidement
confrontées aux mêmes problèmes. C’est pour cela que pour
accomplir les objectifs originaux de la révolution, derrière
Ennahda c’est tout ce système qui doit dégager !
Le Front populaire face à ses responsabilités
La coalition de
gauche du Front populaire rassemble de nombreux militants
révolutionnaires, syndicalistes et de jeunes qui aspirent à
poursuivre la révolution jusqu’au bout, jusqu’à un pouvoir au
service des travailleurs et des masses populaires, un pouvoir qui en
finisse avec le système d’exploitation capitaliste, et son lot de
misère, de chômage et de répression.
Cependant, la
direction du Front populaire lorgne de plus en plus
ostensiblement vers des compromissions avec des forces hostiles au
camp des travailleurs, des pauvres et de tous ceux et toutes celles
qui ont fait la révolution. Les dirigeants du Front populaire
et de “l’Union pour la Tunisie” ont ainsi tenu samedi une
réunion de coordination qui scelle le rapprochement entre la
direction du Front et un ensemble de partis dont plusieurs abritent
des forces liées directement à l’ancien régime et à la
bourgeoise destourienne.
Le Front fait écho à
“l’Union pour la Tunisie” dans son appel à la constitution
d’un gouvernement de « salut national ». Bien que
nous comprenons que dans un contexte marqué par un vomissement
du parti islamiste en place, un gouvernement dans lequel ce parti
n’occupe plus le siège de conducteur pourrait être accueilli
favorablement par une partie de la population, il est du devoir
pour tous les révolutionnaires d’appeler un chat un chat. Il
n’y a pas de « salut » possible avec des gens qui
défendent le camp des patrons licencieurs, des semeurs de misère du
FMI, et qui n’hésiteront pas demain à brandir la matraque face
aux grèves et aux revendications des travailleurs, de la jeunesse au
chômage et des masses pauvres au sens large. Les habitants de
Sidi Bouzid l’avaient pourtant compris, eux qui l’an dernier
criaient « Ni Jebali, ni Sebsi, notre révolution est une
révolution des pauvres ».
Le seul objectif de
partis comme “Nida Tounes” est d’en finir avec la lutte
des masses populaires, des jeunes et de classe ouvrière, au profit
de certains clans de l’élite dirigeante et de grandes puissances
qui sentent le vent tourner. Nida Tounes, c’est le parti de la
restauration, et de la dictature sous une autre forme. Le règne de
Sebsi sous son bref mandat provisoire a clairement démontré en quoi
sa politique consiste : accords de Deauville avec les puissances
du G8 pour poursuivre l’endettement de la Tunisie, “autorité de
l’État” érigé en dogme justifiant la répression systématique
des mouvements sociaux, la torture et le meurtre de manifestants…
Le CIO pense que
la force du mouvement syndical tunisien et le poids du
Front populaire, au lieu de servir de “flanc gauche” à des
forces contre-révolutionnaires, devraient au contraire être mis au
service de la lutte indépendante des masses laborieuses, en vue de
constituer un pouvoir à elles, appuyé et contrôlé
démocratiquement par des comités d’action à l’échelle de tout
le pays. Si les dirigeants du Front refusent de respecter les
aspirations de leur base, laquelle rejette en grande majorité des
accords politiques avec des forces telles que “l’Union pour la
Tunisie”, alors il revient aux militants et militantes de base
de prendre les choses en main partout où c’est possible, afin de
changer le cours des choses avant qu’il ne soit trop tard.
Mettre sur pied une
plate-forme organisée d’opposition de gauche regroupant tous les
militants du Front populaire qui sont en désaccord avec la
trajectoire politique actuelle menée par la direction pourrait être
une étape vers la reconstruction d’une force de gauche de masse
sur la base des aspirations initiales des membres et
sympathisants du Front populaire.
L'Union pour la Tunisie, l'espoir de la révolution ?? vraiment ?? |
L’UGTT
De même, l’abandon
par l’UGTT de la demande pour en finir avec l’Assemblée nationale
constituante (ANC) a été largement perçue comme une trahison par
nombre de militant(e)s. Cet abandon s’inscrit dans une logique de
concessions vers un pouvoir pourtant rejeté dans la rue, alors que
cette ANC n’a plus aucune légitimité, ni formelle, ni réelle.
Aux yeux des masses, elle n’évoque qu’amertume et colère, une
Assemblée remplie de politiciens opportunistes en tout genre, dont
le train de vie est à mille lieux des préoccupations et des
souffrances des travailleurs, des pauvres et de leurs familles. Cette
ANC a failli, elle doit dégager. La seule Assemblée constituante
légitime serait une Assemblée composée de représentants sincères
des couches qui ont fait la révolution, de syndicalistes, de
chômeurs, de militants et de gens ordinaires qui partage le même
quotidien que la majorité de la population.
Au lieu de chercher à
composer avec l’ANC actuelle, l’UGTT pourrait lancer une vaste
campagne visant à encourager, dans toutes les localités du pays,
la convocation d’assemblées générales sur les lieux de travail
et dans les quartiers, visant à élire démocratiquement des
représentants directement issus des masses et de leurs luttes, qui
auraient la confiance et le contrôle de ceux et celles qui les ont
élus, et seraient responsables et révocables à tout instant
pour le travail qu’ils font. En partant directement de la
base, de telles élections pourraient ainsi permettre l’érection
d’une véritable Assemblée constituante révolutionnaire,
caisse de résonance la plus représentative possible du mouvement
réel et des aspirations de la masse en lutte.
Il
n’y a pas de compromis possible ! L’UGTT et le
Front populaire peuvent et doivent en finir avec le régime
pourri actuel et prendre le pouvoir entre leurs mains
La direction du
Front populaire et celle de l’UGTT, au lieu de se tourner
vers des forces de droite dont les intérêts divergent à 180 degrés
avec ceux de la révolution, feraient bien mieux plutôt de
proposer un plan d’action révolutionnaire clair aux masses
tunisiennes afin de balayer non seulement le pouvoir actuel, mais
aussi tout l’échafaudage économique sur lequel ce dernier repose.
Chercher le grand écart avec des forces hostiles au peuple et à
sa révolution ne peuvent mener qu’au manque de clarté, à la
confusion et en définitive, à la défaite, dont la gauche
risque de payer un prix très lourd.
Bien sur, nous ne
pouvons qu’appuyer l’appel à poursuivre les moyens de pression
et la “désobéissance civile”, mais ces mots d’ordre ont le
défaut de rester assez flous. Le seul langage que ce
gouvernement peut comprendre est le même langage que celui qui a
fait tomber Ben Ali : celui du rapport de force dans la rue
et dans les entreprises, celui du déploiement massif et coordonnée
de la force de frappe de la classe ouvrière et de son puissant
syndicat, l’UGTT.
À temps
exceptionnel, mesures exceptionnelles ! L’enjeu de la
situation exige plus qu’une grève générale de 24h, surtout si
celle-ci reste sans lendemain et sans objectifs précis. D’ores
et déjà, plusieurs secteurs ont annoncé des actions de grève dans
les jours et les semaines qui viennent. D’autant plus que la
situation économique et sociale ne fait que se détériorer chaque
jour un peu plus : les usines ferment, les patrons licencient,
le chômage s’étend, et les mesures d’austérité imposées par
le FMI frappent à la porte. Ce contexte sert de toile de fond aux
bouleversements actuels.
C’est avec toute
cette situation qu’il faut en finir ! La dynamique du
mouvement actuel doit être utilisée pour entamer une vaste campagne
visant à restituer le pouvoir économique et les richesses à
ceux qui travaillent et produisent. Dans ce sens, les exemples
tendant vers l’occupation des bâtiments publics et vers
l’auto-administration des affaires par la population elle-même
doivent être encouragés à l’échelle des entreprises, des usines
et des lieux de travail également.
Pour en finir avec la
dictature des bas salaires, des mauvaises conditions de travail et
des licenciements, exigeons la nationalisation immédiate des
entreprises qui ne garantissent pas l’emploi, et des centaines
d’entreprises qui ont été privatisées dans les dernières
décennies au profit d’une poignée de riches actionnaires !
Pour en finir avec la corruption des hauts cadres, avec
l’augmentation continue des prix et l’évasion fiscale, exigeons
l’ouverture immédiate des livres de comptes des grandes
entreprises à des représentants élus du personnel ! Pour en
finir avec le sous-développement des régions et le manque cruel
d’emplois dignes de ce nom, luttons pour un plan massif
d’investissement public, géré démocratiquement par la
population !
Pour réaliser tout
ca, rien ne sera donné, tout devra être arraché par la lutte et la
construction d’un rapport de force à la hauteur des enjeux. C’est
dans ce sens que les sympathisants du CIO en Tunisie défendent la
perspective d’une grève générale ouverte, en encourageant
les travailleurs à occuper leurs lieux de travail. Un tel
mouvement permettrait non seulement d’apporter le coup de grâce au
gouvernement de la Troïka, mais aussi de remettre toutes les
questions sociales et économiques au centre du jeu. Il
permettrait de couper l’herbe sous le pied des partis
pro-capitalistes de l’opposition qui surfent sur le mouvement
actuel, et de préparer le terrain en vue d’une véritable
révolution, sociale celle-là, donnant le pouvoir aux
travailleurs, à la jeunesse révolutionnaire, aux chômeurs et aux
pauvres, en vue de réorganiser la société selon leurs propres
besoins sociaux.
Au contraire,
l’absence de mots d’ordre clairs à l’échelle nationale sur
comment prolonger et organiser les actions dans les jours prochains
risquent de laisser place à la lassitude, la frustration et la
démobilisation, et en définitive, pourrait laisser un terrain
plus favorable à la contre-révolution pour s’engager dans toutes
sortes de manœuvres de coulisses pour restituer l’ordre selon le
bon vouloir des classes dirigeantes et des grandes puissances
impérialistes.
Pour éviter un tel
scénario, structurer démocratiquement le mouvement par la base est
d’une importance cruciale. Les sympathisants du CIO en Tunisie
appellent à la constitution de comités révolutionnaire à
l’échelle des entreprises, des lieux de travail et d’étude, des
quartiers populaires, en vue d’organiser collectivement et
démocratiquement le mouvement selon la volonté des masses
mobilisées. De tels comités sont essentiels pour assurer le
contrôle du mouvement par la base, et, par leur structuration
locale, régionale et nationale, pourraient ainsi servir de levier
vers l’institution d’un gouvernement révolutionnaire au
service des travailleurs, des jeunes et des opprimés, appuyée
par la force de l’UGTT, par les milliers de militants du
Front populaire, de l’UDC (Union des diplômés chômeurs) et
des divers mouvements sociaux.
TerrorismeNe pas se limiter à des manifestations mais bloquer le pays par la grève générale et les occupations |
Parallèlement au
mouvement actuel, une montée fulgurante des actes de violence
terroriste a pris place dans les deux dernières semaines sur
plusieurs parties du territoire tunisien. Le gouvernement a multiplié
les opérations policières et militaires « anti-terroristes »
contre certains groupes ou individus jihadistes armés, tandis que
huit soldats tunisiens ont été sauvagement tués le 29 juillet
au mont Chaambi, près de la frontière algérienne.
Bien que les
responsabilités derrière ces attaques ne soient pas clairement
établies à ce stade, force est de constater que le gouvernement
cherche à les instrumentaliser à son avantage, en tentant de
recréer un sentiment d’unité derrière lui. C’est ainsi que
Lotfi Ben Jeddou, ministre de l’Intérieur, s’est empressé de
déclarer que « Lorsqu’un pays est frappé par le
terrorisme, tous ses citoyens serrent les rangs ».
Pourtant, il est
significatif que dans un récent sondage, 74 % des Tunisiens
font endosser à Ennahda la responsabilité de la montée du
terrorisme dans le pays. La montée de l’extrémisme religieux
a été favorisée tout au long du règne de la Troïka par le parti
au pouvoir et ses milices, certains représentants nahdaouis appelant
même ouvertement au meurtre d’opposants. C’était Bhi Atik,
chef du Bloc Ennahda à l’Assemblée constituante, qui avait
promis récemment que « Toute personne qui piétine la
légitimité en Tunisie sera piétinée par cette légitimité et (…)
la rue tunisienne sera autorisée à en faire ce qu’elle veut y
compris de faire couler son sang ». Pas étonnant dans ces
conditions qu’une majorité de Tunisiens refusent de donner au
gouvernement carte blanche sur ce sujet, pas plus que sur tous les
autres sujets d’ailleurs.
Face à la montée
généralisée de la violence, la multiplication des assassinats
politiques, des actions de milices réactionnaires, du terrorisme
sanglant, il est essentiel que la population s’organise.
L’autodéfense des quartiers, du mouvement révolutionnaire,
des bâtiments publics, des syndicats, s’impose plus que jamais.
La répression des
mouvements pacifiques par les forces de l’État, telles que les
tentatives de répression du mouvement populaire à Sidi Bouzid,
montre aussi que la violence, bien que loin d’être au même niveau
de barbarie, n’est pas le seul apanage de groupes terroristes. Pour
éviter que les armes utilisées dans la lutte antiterroriste
aujourd’hui ne soient utilisées contre les révolutionnaires
demain, il est essentiel de forger des liens entre le mouvement
révolutionnaire et les forces armées sur lesquelles le pouvoir
s’appuie aujourd’hui pour l’exercice de la violence, dont
beaucoup sont issues du peuple. De plus, les soldats envoyées dans
des opérations difficiles telles que celle au Mont Chaambi
gagnent bien souvent une misère, et n’ont pas de droits syndicaux.
C’est pourquoi les
sympathisants du CIO en Tunisie appellent à la constitution de
comités de défense ouvriers et populaires partout où c’est
possible. Et cela y compris au sein des forces armées, afin
de faire valoir les intérêts des soldats du rang et leur droit à
une rémunération et des conditions de travail décentes, à la
hauteur des sacrifices exigés. Des appels à la constitution de
comités de soldats démocratiquement élus dans l’armée,
des appels à la désobéissance des forces de l’État et la
défense de leur droit à refuser d’être utilisés pour
réprimer la lutte des travailleurs et des jeunes, pourraient
servir de base pour opérer la jonction entre les masses
révolutionnaires en lutte d’une part, et, d’autre part, ces
couches qui servent aujourd’hui de chair à canon pour les calculs
abjects de la clique au pouvoir.
Les soldats doivent s'organiser et rejoindre la lutte ! |
- Troïka dégage ! Pour une grève générale ouverte, jusqu’à la chute du régime
- Non à des accords gouvernementaux avec des forces politiques qui défendent la continuation du capitalisme. L’“Union pour la Tunisie” défend les hommes d’affaires, pas la révolution ni les travailleurs !
- Pour un gouvernement des travailleurs, de la jeunesse et des masses pauvres, appuyé par les organisations de gauche, syndicales et populaires (UGTT, Front populaire, UDC…)
- Pour la répudiation de la dette – pour le rejet des accords avec le FMI – pour la nationalisation sous contrôle démocratique des travailleurs et de la collectivité, des banques et des secteurs vitaux de l’économie
- Pour la lutte internationale des jeunes et des travailleurs contre le capitalisme et l’impérialisme – pour une société socialiste mondiale, où l’économie est planifiée démocratiquement selon les intérêts de la majorité.
Pour la révolution permanente ! |
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