vendredi 23 août 2013

Théorie : un bien triste anniversaire

L'assassinat de Trotsky

 


Aujourd'hui 21 aout 2013, cela fait 73 ans qu’est décédé le révolutionnaire russe Léon Trotsky, un assassinat orchestré par le dictateur Staline. Les motivations de Staline n’étaient pas de l’ordre des rivalités personnelles : la bureaucratie soviétique qui avait pris le pouvoir en Russie avait besoin d’écraser la Quatrième Internationale qui, avec Trotsky, continuait à lutter pour l'internationalisme et la démocratie des travailleurs.

Dossier rédigé par notre camarade Lynn Walsh, membre du Socialist Party of England and Wales (section du CIO en Angleterre et pays de Galles) 
 


C'est le 20 aout 1940 que le grand révolutionnaire russe Léon Trotsky (de son vrai nom Lev Davidovitch Bronstein) a été frappé d'un coup mortel de pic à glace porté à la tête par Ramon Mercader, un agent envoyé au Mexique par la police secrète de Staline (le GPU) afin d’y assassiner le révolutionnaire exilé. Ce dernier décédait le lendemain.

L'assassinat de Trotsky n'était pas un acte de méchanceté de la part de Staline, il s’agissait de l'aboutissement logique de la terreur systématique et sanglante dirigée contre toute une génération de dirigeants bolcheviques, ainsi que contre les jeunes révolutionnaires d'une deuxième génération prête à défendre les véritables idées du marxisme contre le régime bureaucratique et répressif en développement sous Staline. Au moment où le GPU a atteint Trotsky en 1940, ses agents avaient déjà assassiné – ou poussé au suicide, ou condamné aux camps de travail – de nombreux membres de la famille de Trotsky et la plupart de ses plus proches amis et collaborateurs, ainsi qu’un nombre incalculable de dirigeants et sympathisants de l’Opposition de gauche internationale.

Plus de soixante-dix ans après les faits, une grande partie des médias et des académiciens s’évertuent à présenter l'assassinat de Trotsky comme la conclusion d’un conflit personnel entre Trotsky et Staline, tout comme cela avait été fait en 1940. Cette “histoire” serait basée sur une rivalité croissante entre deux chefs ambitieux qui se disputaient le pouvoir, l'un étant aussi mauvais que l'autre (d'un point de vue bourgeois en tous cas !). La critique la plus acide est régulièrement réservée à l'idée “romantique” de Trotsky de la “révolution permanente”, potentiellement bien plus dangereuse pour eux que la notion bureaucratique “pragmatique” de Staline de la construction du “socialisme dans un seul pays”. Si certaines questions posées par Trotsky à l'époque émergent parfois de ces commentaires, de manière apparemment légitime, il ne s’agit généralement que d’une manière de finalement rabaisser son rôle.

Pourquoi, puisque Trotsky était l'un des principaux dirigeants du parti bolchévique et le chef de l'Armée rouge, a-t-il permis à Staline de concentrer le pouvoir entre ses mains ? Pourquoi Trotsky n'a-t-il pas lui-même pris le pouvoir ? On dit parfois que Trotsky était “trop doctrinaire”, qu'il s'est laissé “avoir” par Staline. Le corollaire est de suggérer que Staline était plus “pragmatique” et un leaders plus “astucieux” et plus “énergique”.

Trotsky lui-même a été confronté à ces questions et y a répondu sur base de son analyse de la dégénérescence politique de l'État ouvrier soviétique. De toute évidence, d'un point de vue marxiste, il est tout à fait superficiel de présenter le conflit qui s'est développé après 1923 comme étant une lutte personnelle entre dirigeants rivaux. Staline et Trotsky, chacun à leur manière, ont personnifié des forces sociales et politiques contradictoires, Trotsky de façon consciente et Staline inconsciemment. Trotsky s'est opposé à Staline avec des moyens politiques, Staline a combattu Trotsky et ses partisans avec un terrorisme parrainé par l'État. « Staline mène une lutte sur un plan totalement différent du nôtre », écrivait Trotsky : « Il cherche à détruire non pas les idées de l'adversaire, mais son crâne ». Il s'agissait là d'une terrifiante prémonition. 

Trotsky à droite de Lénine, pendant la révolution russe
 

Le triomphe de la bureaucratie


Analysant le rôle de Staline, dans son Journal d'exil écrit en 1935, Trotsky écrivait : « Étant donné le déclin prolongé de la révolution mondiale, la victoire de la bureaucratie, et par conséquent de Staline, était déterminée d'avance. Le résultat que les badauds et les sots attribuent à la force personnelle de Staline, ou tout au moins à son extraordinaire habileté, était profondément enraciné dans la dynamique des forces historiques. Staline n'a été que l'expression à demi inconsciente du chapitre deux de la révolution, son lendemain d'ivresse. » (Trotsky, Journal d'exil, p. 38)

Ni Trotsky, ni aucun des dirigeants bolchéviques de 1917 n'avaient imaginé que la classe des travailleurs de Russie pourrait construire une société socialiste en étant isolée dans un pays économiquement arriéré et culturellement primitif. Ils étaient convaincus que les travailleurs devaient prendre le pouvoir afin de mener à bien les tâches en grande partie inachevées de la révolution démocratique-bourgeoise (fin du système féodal, république démocratique, etc.), mais en allant de l'avant vers les tâches impératives de la révolution socialiste. Ils ne pouvaient procéder qu'en collaboration avec la classe des travailleurs des pays capitalistes plus développés – parce que, en comparaison du capitalisme, le socialisme exige un niveau de production et un matériel culturel plus élevés.

La défaite de la révolution allemande en 1923 – à laquelle ont contribué les erreurs de la direction de Staline-Boukharine – a renforcé l'isolement du jeune État soviétique (“soviet” signifiant en russe “conseil” – il s'agissait au départ d'un État basé sur le pouvoir des conseils ouvriers et paysans, des “agoras”), et la retraite forcée qu'était la Nouvelle Politique économique (NEP, qui, après la guerre civile désastreuse, accordait de nouveau la liberté de commerce et d'enrichissement personnel, en guise de concession à la paysannerie et aux petits et moyens commerçants) a accéléré la cristallisation d'une caste bureaucratique qui a de plus en plus mis en avant la défense de son confort et de son désir de tranquillité et de privilèges au détriment des intérêts de la révolution internationale.

La couche dirigeante de la bureaucratie a rapidement trouvé que Staline était la “chair de sa chair”. Reflétant les intérêts de la bureaucratie, Staline a engagé une lutte contre le “trotskisme” – un épouvantail idéologique qu'il a inventé pour déformer et stigmatiser les véritables idées du marxisme et de Lénine défendues par Trotsky et par l'Opposition de gauche.

La bureaucratie craignait que le programme de l'Opposition de gauche pour la restauration de la démocratie ouvrière puisse trouver un écho auprès d'une nouvelle couche de jeunes travailleurs et donner un nouvel élan à la lutte contre la dégénérescence bureaucratique, c'est ce qui a motivé la purge sanglante de Staline contre l'Opposition. Ses idées étaient « une source d'extraordinaires appréhensions pour Staline : ce sauvage a peur des idées, connaissant leur force explosive et sachant sa faiblesse devant elles ». (Journal d'exil, p. 66)

Répondant à l'avance à l'idée erronée selon laquelle le conflit était en quelque sorte le résultat d'une “incompréhension” ou du refus de compromis, Trotsky a raconté comment, alors qu'il était exilé à Alma-Ata (actuelle Almaty, au Kazakhstan) en 1928, un ingénieur “sympathisant”, probablement « envoyé subrepticement sentir mon pouls », lui avait demandé s'il ne pensait pas qu'il était possible d'aller vers une certaine réconciliation avec Staline. « Je lui répondis en substance que de réconciliation il ne pouvait être question pour le moment : non pas parce que je ne la voulais pas, mais parce que Staline ne pouvait pas se réconcilier, il était forcé d'aller jusqu'au bout dans la voie où l'avait engagé la bureaucratie. – Et par quoi cela peut-il finir ? – Par du sang, répondis-je : pas d'autre fin possible pour Staline. – Mon visiteur eut un haut-le-corps, il n'attendait manifestement pas pareille réponse, et ne tarda pas à se retirer. » (Journal d'exil, p. 39)

En 1923 (du vivant de Lénine donc), Trotsky commença une lutte au sein du Parti communiste russe. Dans une série d'articles (publiés sous le titre de Cours nouveau), il a commencé à mettre en garde contre le danger d'une réaction post-révolutionnaire. L'isolement de la révolution dans un pays arriéré avait conduit à la croissance naissante d'une bureaucratie dans le parti bolchévique et dans l'État. Trotsky a commencé à protester contre le comportement arbitraire de la bureaucratie du parti qui s'était cristallisée sous Staline. Peu de temps avant sa mort en 1924, Lénine avait lui aussi convenu avec Trotsky de constituer un bloc au sein du parti pour lutter contre la bureaucratie.

Quand Trotsky et un groupe d'oppositionnels de gauche ont commencé leur lutte pour un renouveau de la démocratie ouvrière, le bureau politique a été obligé de promettre le rétablissement de la liberté d'expression et la liberté de critique au sein du Parti communiste. Mais Staline et ses associés ont fait en sorte que cela reste lettre morte.

Quatre ans plus tard – le 7 novembre 1927, dixième anniversaire de la révolution d'Octobre – Trotsky était contraint de quitter le Kremlin et de se réfugier chez des amis oppositionnels. Une semaine plus tard, Trotsky et Zinoviev, le premier président de l'Internationale communiste, étaient exclus du parti. Le lendemain, Adolf Joffé, un camarade opposant et ami de Trotsky, se suicida pour protester contre l'action dictatoriale de la direction de Staline. Il fut l'un des premiers compagnons de Trotsky à être poussé vers la mort ou à être directement assassiné par le régime de Staline qui, par la répression systématique et impitoyable de ses adversaires et par ses méthodes totalitaires, a ainsi créé un véritable fleuve de sang qui aujourd'hui encore demeure entre la véritable démocratie ouvrière et sa propre bureaucratie.

En janvier 1928, Trotsky (qui avait déjà été deux fois exilé sous le régime tsariste) a été contraint à son dernier exil. Il fut d'abord déporté à Alma-Ata au Kazakhstan (aujourd'hui Almaty), près de la frontière chinoise ; à partir de là, il fut expulsé en Turquie, où il élut domicile sur l'ile de Prinkipo, sur la mer de Marmara, près d'Istanbul.

Afin de tenter de paralyser le travail littéraire et politique de Trotsky, Staline a frappé le petit “appareil” de Trotsky, constitué de cinq ou six proches collaborateurs : « Glazman poussé au suicide, Boutov mort dans une geôle de la Guépéou, Bloumkine fusillé, Sermouks et Poznanski en déportation. Staline ne prévoyait pas que je pourrais sans “secrétariat” mener un travail systématique de publiciste qui, à son tour, pourrait contribuer à la formation d'un nouvel “appareil”. Même de très intelligents bureaucrates se distinguent, à certains égards, par une incroyable courte vue ! » (Journal d'exil, p. 40) Tous ces révolutionnaires avaient joué un rôle important notamment pendant la guerre civile russe, en particulier en tant que membres du secrétariat militaire ou à bord du train blindé de Trotsky. 

Trotsky passa toute la fin de sa vie à lutter contre la trahison
stalinienne qui avait imposé une dictature en URSS,
pour la restauration du pouvoir démocratique des soviets

 

En exil : construire l'Opposition de gauche internationale


Mais si Staline a par la suite consacré une si grande partie des ressources de sa police secrète (connue sous différents noms : Tchéka, Guépéou (GPU), NKVD, MVD et KGB) à la planification de l'assassinat de Trotsky, pourquoi avoir dès le départ permis à son adversaire d'être tout simplement exilé ?

Dans une lettre ouverte au Politburo en janvier 1932, Trotsky avait publiquement averti du fait que Staline préparait un attentat contre sa vie. « La question des représailles terroristes contre l'auteur de cette lettre », écrit-il, « a été posée il y a longtemps : en 1924-1925, lors d'une réunion, Staline en a pesé les avantages et les inconvénients. Les avantages étaient évidents et clairs. La principale considération en sa défaveur était qu'il y avait trop de jeunes trotskistes désintéressés qui pouvaient répondre par des actions contre-terroristes » (Trotsky’s Writings, 1932, p. 19). Trotsky avait été informé de ces discussions par Zinoviev et Kamenev, qui avaient brièvement formé une “troïka dirigeante” avec Staline pour ensuite entrer – temporairement – en opposition contre Staline.

Trotsky poursuivit : « Staline en est venu à la conclusion qu'avoir exilé Trotsky hors d'Union soviétique avait été une erreur… contrairement à ses attentes, il s'est avéré que les idées ont un pouvoir qui leur est propre, même sans appareil et sans ressources. L'Internationale communiste est une structure grandiose qui a été laissée comme une coquille vide, à la fois théoriquement et politiquement. L'avenir du marxisme révolutionnaire, c'est-à-dire du léninisme, est dorénavant indissolublement lié aux cadres internationaux de l'Opposition de gauche. Aucune montagne de falsification ne peut changer cela. Les ouvrages de base de l'Opposition ont été, sont ou seront publiés dans toutes les langues. Des cadres de l'Opposition, qui ne sont pas encore très nombreux mais néanmoins indomptables, se trouvent dans tous les pays. Staline comprend parfaitement le grave danger que représentent l'incompatibilité idéologique et la croissance persistante de l'Opposition de gauche internationale pour lui, pour sa fausse “autorité”, pour sa toute-puissance bonapartiste. » (Trotsky’s Writings, 1932, pp. 19-20)

C'est dans les premiers temps de son exil turc, Trotsky écrivit sa monumentale Histoire de la révolution russe et son autobiographie Ma Vie. Grâce à une abondante correspondance avec les opposants d'autres pays et en particulier à travers le Bulletin de l'Opposition (publié à partir de l'automne 1929), Trotsky a commencé à rassembler le noyau d'une opposition internationale composée de bolchéviks authentiques. Mais la perspective de Trotsky, selon laquelle Staline allait utiliser le GPU pour tenter de détruire tout ce travail, a été rapidement confirmée.

Vers la fin de son exil turc, Trotsky a subi un coup cruel lorsque sa fille, Zinaïda, malade et démoralisée, a été poussée au suicide à Berlin. Son mari, Platon Volkov, un jeune militant de l'Opposition, avait été arrêté pour disparaitre à jamais. La première femme de Trotsky, Alexandra Sokolovskaïa, celle qui lui avait fait découvrir les idées socialistes et le marxisme, a été envoyée dans un camp de concentration, où elle est décédée. Plus tard, le fils de Trotsky, Sergueï, un scientifique qui ne défendait aucune position politique, a été arrêté sur base d'une accusation montée de toutes pièces “d'empoisonnement de travailleurs”. Trotsky apprit plus tard sa mort en prison. Parallèlement à sa peur maladive des idées, « dans la politique de répression de Staline, le mobile de vengeance personnelle a toujours été un facteur d'importance ». (Journal d'exil, p. 66)

Dès le début, d'ailleurs, le GPU a commencé à infiltrer la maison de Trotsky et les groupes de l'Opposition de gauche. La suspicion a entouré un certain nombre de personnes qui sont apparues dans les organisations de l'Opposition en Europe ou qui sont venues à Prinkipo visiter Trotsky ou l'aider dans son travail. Jakob Frank de Lituanie, par exemple, a travaillé à Prinkipo pour un temps, mais s'est plus tard rallié au stalinisme. Il y avait aussi le cas de Mill (Paul Okun, ou Obin) qui a également rallié les staliniens, laissant Trotsky et ses collaborateurs incertains quant à savoir s'il s'agissait juste d'un renégat ou d'une taupe du GPU.

Pourquoi ces personnes ont-elles été acceptées comme véritables collaborateurs ? Lors d'un commentaire public concernant la trahison de Mill, Trotsky a souligné que « L'Opposition de gauche est placée devant des conditions extrêmement difficiles d'un point de vue organisationnel. Aucun parti révolutionnaire dans le passé n'a travaillé sous une telle persécution. Outre la répression de la police capitaliste de tous les pays, l'Opposition est exposée aux coups de la bureaucratie stalinienne qui ne recule devant rien […] C'est bien sûr la section russe qui connait les temps les plus durs […] Mais trouver un bolchévik-léniniste russe à l'étranger, même pour des fonctions purement techniques, est une tâche extrêmement difficile. C'est ce qui explique le fait que Mill ait pu pendant un certain temps pénétrer dans le secrétariat administratif de l'Opposition de Gauche. Il était nécessaire d'avoir une personne qui connaissait le russe et pouvait mener à bien des tâches de secrétariat. Mill avait à un moment donné été membre du parti officiel et, en ce sens, il pouvait revendiquer une certaine confiance. » (Writings, 1932, p. 237)

Rétrospectivement, il était clair que l'absence de contrôles de sécurité adéquats allait avoir des conséquences tragiques. Mais les ressources de l'Opposition étaient extrêmement limitées, et Trotsky avait compris qu'une phobie de l'infiltration et une suspicion exagérée de tous ceux qui offraient un soutien pouvait être contre-productif. Avec sa vision optimiste et positive du caractère humain, Trotsky était d'ailleurs opposé au fait de soumettre des individus à des recherches et des enquêtes sur leurs vies. 

Bulletin de l'opposition “bolchévique-léniniste” tel qu'il circulait
en Union soviétique pour dénoncer la dictature stalinienne
 

Sédov assassiné à Paris


Trotsky était désireux d'échapper à l'isolement de Prinkipo et de trouver une base plus proche du centre des événements européens. Mais les démocraties capitalistes étaient loin d'être disposées à accorder à Trotsky le droit démocratique d'asile. Finalement, en 1933, Trotsky a été admis en France. Cependant, l'aggravation de la tension politique, et en particulier la croissance de la droite nationaliste et fasciste, a bientôt conduit le gouvernement Daladier à ordonner son expulsion. Pratiquement tous les gouvernements européens avaient déjà refusé de lui accorder asile. Trotsky a vécu, comme il l'écrit, sur « une planète sans visa ». Expulsé de France en 1935, Trotsky a trouvé refuge pendant une courte période en Norvège, où il a écrit La Révolution trahie en 1936.

Peu après son arrivée en Norvège, le premier grand procès de Moscou a explosé à la face du monde. Staline a exercé une pression intense sur le gouvernement norvégien pour empêcher Trotsky de répondre et de réfuter les accusations ignobles lancées contre lui à partir de Moscou. Pour éviter cet emprisonnement virtuel, Trotsky a été obligé de trouver un nouveau refuge, et il s'empressa d'accepter une offre d'asile du gouvernement Cardenas au Mexique. En route, Trotsky a rappelé sa lettre ouverte au bureau politique du Parti communiste russe dans laquelle il avait prédit l'arrivée d'une campagne mondiale de diffamation bureaucratique de Staline et de tentatives d'assassinats.

La purge qui a eu lieu en Russie ne s'est pas limitée à une poignée de vieux bolchéviks ou d'oppositionnels de gauche. Pour chaque dirigeant apparu dans un simulacre de procès-spectacle, des centaines ou des milliers de personnes ont été emprisonnées en silence, envoyées à une mort certaine dans les camps de prisonniers dans l'Arctique, ou sommairement exécutées dans les caves de leur prison. Au moins huit millions de personnes ont été arrêtées dans le cadre de ces purges, et de cinq à six millions d'entre eux ont été pourrir, la plupart du temps jusqu'à la mort, dans les camps. Il ne fait cependant aucun doute que ce sont les partisans de l'Opposition de gauche, les partisans des idées de Trotsky, qui ont enduré la plus lourde répression.

Les purges menées en Russie étaient également directement liées à l'intervention contre-révolutionnaire de Staline dans la révolution ayant éclaté en Espagne à l'été 1936. Par l'intermédiaire de la direction bureaucratique du Parti communiste espagnol contrôlé par Moscou, de l'appareil de conseillers militaires soviétiques et d'agents du GPU, Staline a étendu sa terreur aux anarchistes, aux militants de gauche et en particulier aux trotskistes d'Espagne qui résistaient à ses politiques.

Pendant ce temps, la police secrète de Staline a aussi intensifié son action destinée à détruire le centre de l'Opposition de gauche internationale basé à Paris sous la direction du fils de Trotsky, Léon Sédov (dont le nom de famille est celui de sa mère, Natalia Sédova), qui avait à l'époque à peine un peu plus de 30 ans.

Sédov était indispensable à Trotsky pour son travail de publiciste, dans la préparation et la distribution des Bulletins de l'Opposition et pour garder contacts avec les groupes d'oppositionnels à l'étranger. Mais Sédov avait également livré une contribution exceptionnelle et indépendante au travail de l'Opposition. Au début de l'année 1938, il est tombé malade : on suspectait une appendicite. Sur les conseils d'un homme qui était devenu son plus proche collaborateur, nommé “Étienne”, Sédov est entré en clinique – un hôpital qui par la suite s'est avéré être totalement infiltré par des émigrés russes “blancs” (partisans de l'ancien régime tsariste) et par des Russes ayant des penchants staliniens. Sédov a semblé se remettre de l'opération, mais est mort peu de temps après avec des symptômes extrêmement mystérieux. Un médecin a suggéré un empoisonnement, et une enquête plus approfondie a laissé entendre que sa maladie avait en premier lieu été produite par un empoisonnement sophistiqué et pratiquement indétectable.

Trotsky a écrit un hommage émouvant à son fils décédé : Léon Sédov – le fils – l'ami – le militant. Il a rendu hommage au rôle de Sédov dans la lutte pour la défense des idées du marxisme authentique contre leur perversion stalinienne. Mais il a aussi donné quelques indications sur ce que cela signifiait personnellement. « Il était une part, la part jeune de nous deux », écrivait Trotsky, parlant en son nom et en celui de sa seconde épouse, Natalia : « Pour cent raisons, nos pensées et nos sentiments allaient chaque jour vers lui, à Paris. Avec notre garçon est mort tout ce qui demeurait en nous de jeune. »

Par la suite il a été révélé que Léon Sédov avait été trahi par “Étienne”, un agent du GPU beaucoup plus insidieux et impitoyable que les espions et les provocateurs précédents qui s'étaient infiltrés dans le cercle de Trotsky. “Étienne” a ensuite été démasqué comme étant Mark Zborowski, révélé dans les années '50 en tant que figure clé du réseau d'espionnage du GPU aux USA. Zborowski avait déjà un long fleuve de duplicité et de sang derrière lui. Zborowski a par la suite avoué qu'il avait également surveillé Rudolf Klement, (le secrétaire de Trotsky assassiné à Paris en 1938), Erwin Wolf (un partisan de Trotsky assassiné en Espagne en juillet 1937) et Ignace Reiss (un agent de premier plan du GPU qui a tourné le dos à la machine de terreur stalinienne, a déclaré son soutien à la Quatrième Internationale et a été assassiné en Suisse en septembre 1937).

Zborowski a eu des contacts avec les agents des forces spéciales du GPU en Espagne qui étaient responsables de l'assassinat d'Erwin Wolf – et qui comprenaient dans leurs rangs l'infâme colonel Eitingon. C'est cet homme, sous de nombreux pseudonymes, qui devait ensuite diriger les tentatives d'assassinat contre Trotsky au Mexique, en collaboration avec son associée au GPU et maitresse, Caridad Mercader, ainsi que son fils, Ramon Mercader, l'agent qui a finalement assassiné Trotsky. 
 
Trotsky et son fils Léon Lvovitch Sédov

 

L'assaut du 24 mai


Trotsky, Natalia Sédova et une poignée de proches collaborateurs sont arrivés au Mexique en janvier 1937. Le gouvernement du général Lazaro Cardenas a été le seul au monde à accorder asile à Trotsky dans les dernières années de sa vie. En contraste marqué avec la manière dont il avait été reçu ailleurs, Trotsky y a reçu un accueil officiel flamboyant et partit vivre à Coyoacan, dans la banlieue de Mexico, dans une maison prêtée par son ami et partisan politique, le peintre mexicain Diego Rivera.

L'arrivée de Trotsky a toutefois coïncidé avec un deuxième procès-spectacle de Moscou, suivi de peu par un troisième procès, encore plus grotesque. « Nous avons écouté la radio », raconte Natalia, « ouvert le courrier et les journaux de Moscou, et nous avons ressenti jaillir la folie, l'absurdité, l'indignation, la fraude et le sang, cela nous affluait de toutes parts, ici au Mexique comme en Norvège. » (Vie et mort de Léon Trotsky, p. 212). Encore une fois, Trotsky a exposé les contradictions internes de ces procès et réfuté les prétendues “preuves” contre lui et ses partisans dans une série d'articles.

Un “contre-procès” a par ailleurs été organisé, sous la présidence du philosophe libéral américain John Dewey. Cette commission a totalement exonéré Trotsky des accusations lancées contre lui. Trotsky a averti du fait que le but de ces procès était de justifier une nouvelle vague de terreur – qui serait dirigée contre tous ceux qui ont représenté la moindre menace pour la direction dictatoriale de Staline, que ce soient des opposants actifs, de potentiels rivaux bureaucratiques ou des complices devenus tout simplement embarrassants. Trotsky était bien conscient du fait que la peine de mort prononcée contre lui était loin d'être une condamnation qui resterait sans effet.

Dès le moment de son arrivée, le Parti communiste mexicain, dont les dirigeants suivaient loyalement la ligne de Moscou, a commencé à faire de l'agitation pour que des restrictions frappent Trotsky, pour l'empêcher de répondre aux accusations portées contre lui lors de ces procès-spectacles, et finalement pour provoquer son expulsion du pays. Les journaux et les revues du Parti communiste et de la fédération syndicale contrôlée par le Parti communiste (la CTM) ont déversé un flot d'injures et d'accusations calomnieuses en déclarant que Trotsky complotait contre le gouvernement Cardenas en collaboration avec des éléments fascistes et réactionnaires. Trotsky était bien conscient que la presse stalinienne utilisait la langue de ceux qui décident non par la voie de votes mais par celle des mitrailleuses.

Au milieu de la nuit, du 24 mai 1940, une première attaque directe contre la vie de Trotsky a eu lieu. Un groupe d'hommes armés a pénétré dans la maison de Trotsky, a mitraillé les chambres et a tenté de détruire les archives de Trotsky en provoquant le maximum de dégâts possible. Trotsky et Natalia ont échappé de justesse à la mort en se couchant sur le sol sous le lit. Leur petit-fils, Séva, a été légèrement blessé par une balle. Par la suite, ils ont constaté que les assaillants avaient enlevé Robert Sheldon Harte, l'un des secrétaires-gardes de Trotsky, qui avait apparemment été trompé par un membre du raid qu'il connaissait et en qui il avait confiance. Son corps a été retrouvé enterré dans une fosse.

Toutes les preuves orientaient l'enquête vers les staliniens mexicains et, derrière eux, le GPU. Grâce à une analyse détaillée de la presse stalinienne des semaines ayant précédé le raid, Trotsky a clairement montré qu'ils préparaient une tentative de meurtre. La police mexicaine a très vite arrêté certains complices des bandits, et les preuves ont incriminé un des principaux membres du Parti communiste mexicain. L'enquête a conduit jusqu'à David Alfaro Siqueiros qui, tout comme Diego Rivera, était un peintre bien connu. Mais contrairement à Rivera, il était un membre éminent du Parti communiste mexicain. Siqueiros avait aussi été en Espagne et était suspecté d'entretenir des liens avec le GPU depuis longtemps. Malgré les tentatives scandaleuses qui ont essayé de dépeindre cette attaque comme étant l'œuvre de Trotsky afin de discréditer le PC et le gouvernement Cardenas, la police a finalement arrêté les meneurs, y compris Siqueiros. Toutefois, en raison de pressions exercées par le Parti communiste et par la centrale syndicale CTM, ils ont été libérés en mars 1941 pour “manque de pièces à conviction” !

Siqueiros n'a pas nié son rôle dans cette agression. En fait, il s'en vantait ouvertement. Mais la direction du Parti communiste, clairement embarrassée non pas tant par la tentative elle-même, mais par la façon dont elle avait été bâclée, a tenté de se dissocier du raid, rejetant la faute sur un gang “d'éléments incontrôlables” et “d'agents provocateurs”.

La presse stalinienne a tantôt présenté Siqueiros comme un héros, tantôt comme un “fou ou un demi-fou”, parfois même comme un agent à la solde de Trotsky! La presse stalinienne a même affirmé que Trotsky devait être expulsé suite à cet événement, car l'attaque n'était qu'un acte de provocation dirigé contre le Parti communiste et contre l'État mexicain.

Trente-huit ans plus tard, cependant, un membre dirigeant du Parti communiste mexicain a admis la vérité. Dans ses mémoires, Mon Témoignage, publiées par la maison d'édition du Parti communiste mexicain en 1978, Valentin Campa, un vétéran du parti, a catégoriquement contredit les démentis officiels de la participation du parti et a révélé divers détails sur la préparation de cet attentat contre la vie de Trotsky.

Campa raconte notamment comment, à l'automne 1938, il a, avec Raphael Carrillo (membre du comité central du PC), été convoqué par Herman Laborde (secrétaire général du parti) et a été informé d'une « affaire extrêmement confidentielle et délicate ». Laborde leur a dit qu'il avait reçu la visite d'un délégué de l'Internationale communiste (en réalité, un représentant du GPU) qui l'avait informé de la « décision d'éliminer Trotsky » et avait demandé leur coopération « pour mener à bien cette élimination ». Après une « analyse vigoureuse », cependant, Campa déclare avoir rejeté la proposition : « Nous avons conclu […] que Trotsky était fini politiquement, que son influence était presque nulle, d'ailleurs on nous l'avait dit assez souvent à travers le monde. Les conséquences de son élimination feraient beaucoup de tort au Parti communiste mexicain et au mouvement révolutionnaire du Mexique et à l'ensemble du mouvement communiste international. Nous avons donc conclu que proposer l'élimination de Trotsky était clairement une grave erreur. » Mais Laborde et Campa ont été accusés “d'opportunisme sectaire” pour leur opposition au projet et d'être “mous concernant Trotsky”. Ils ont été chassés du parti.

La campagne pour préparer le Parti communiste mexicain à l'assassinat de Trotsky a été réalisée par le biais d'un certain nombre de dirigeants staliniens déjà expérimentés dans l'exécution impitoyable des ordres de Moscou : Siqueiros lui-même, qui avait joué un rôle actif en Espagne, était probablement un agent du GPU depuis 1928. Victorio Codovilla, un stalinien argentin qui avait opéré en Espagne sous la direction d'Eitingon, avait été probablement impliqué dans la torture et le meurtre d'Andreas Nin, dirigeant du POUM (Parti ouvrier d'unification marxiste). Pedro Checa, dirigeant du Parti communiste espagnol en exil au Mexique, avait reçu son pseudonyme de la police secrète soviétique, la Tchéka. Carlos Contreras, alias Vittorio Vidali, avait été actif dans les forces spéciales du GPU en Espagne sous le pseudonyme de “Général Carlos”. Le colonel Eitingon avait coordonné leurs efforts. 

Au Mexique : Natalia Sédova, l'artiste mexicaine Frida Kahlo, Trotsky,
le camarade Shachtman
 

Staline prépare un nouvel essai


Après l'échec de la tentative de Siqueiros, Campa écrit « une autre alternative a été mise en pratique. Ramon Mercader, sous le pseudonyme de Jacques Mornard, a assassiné Trotsky dans la soirée du 20 aout 1940 ».

Trotsky se considérait en sursis. « Notre joyeux sentiment de salut », écrivait Natalia, « a été freiné par la perspective d'une nouvelle attaque et de la nécessité de s'y préparer ». (Natalia, Father and Son) Les défenses de la maison de Trotsky ont été renforcées et de nouvelles précautions ont été prises. Mais malheureusement – tragiquement – aucun effort n'a été fait pour enquêter de manière plus approfondie sur l'homme qui s'est avéré être l'assassin, malgré les soupçons que plusieurs membres de la famille avaient déjà eu sur ce personnage étrange.

Trotsky s'est opposé à quelques-unes des mesures de sécurité supplémentaires suggérées par ses secrétaire et gardes : contre le fait qu'un garde soit à ses côtés à tout moment, par exemple. « Il est impossible de consacrer sa vie uniquement à l'auto-défense », a écrit Natalia, « car dans ce cas, la vie perd toute sa valeur ». Néanmoins, compte tenu de la nature vitale et indispensable du travail de Trotsky et de l'inévitabilité d'une attaque contre sa vie, il ne fait aucun doute qu'il y avait de graves lacunes dans sa sécurité et que des mesures plus strictes auraient dû être mises en œuvre. Peu de temps avant l'enlèvement de Sheldon Harte, par exemple, Trotsky l'avait vu autoriser des ouvriers passer librement dans et hors de la cour. Trotsky s'est plaint de cette négligence et a ajouté – ironie du sort, ce n'était que quelques semaines avant la mort tragique de Harte –  « Vous pourriez être la première victime de votre propre négligence ».

Mercader a rencontré Trotsky pour la première fois quelques jours après le raid de Siqueiros. Mais les préparatifs pour cet assassinat dataient de plus longtemps. Grâce à Zborowski et à d'autres agents du GPU qui avaient infiltré les partisans de Trotsky aux États-Unis, Mercader a été introduit en France auprès de Sylvia Ageloff, une jeune trotskiste américaine qui est par la suite allée travailler pour Trotsky à Coyoacan. L'agent du GPU a réussi à séduire Sylvia Ageloff et à en faire la complice involontaire de son crime.

Mercader avait une couverture élaborée, même si elle a suscité beaucoup de soupçons. Elle a malheureusement assez bien servi son but. Mercader avait rejoint le Parti communiste en Espagne, et était devenu militant actif dans la période de 1933 à 1936, quand le parti était déjà stalinisé. Probablement grâce à sa mère, Caridad Mercader, qui était un agent du GPU et était associée à Eitingon, Ramon Mercader est entré au service du GPU. Après la défaite de la République espagnole – aidée par le sabotage stalinien de la révolution espagnole – Mercader s'est rendu à Moscou, où il a été préparée à son futur rôle. Après avoir rencontré Ageloff à Paris en 1938, il l'a plus tard accompagnée au Mexique en janvier 1940 et s'est progressivement introduit dans les bonnes grâces de la famille de Trotsky.

Après cela, Mornard/Mercader a organisé une rencontre avec Trotsky, sous prétexte de discuter d'un article qu'il avait écrit – que Trotsky considérait comme sans intérêt au point que cela en devenait gênant. La première réunion était en fait très clairement une “répétition générale” pour l'assassinat qui devait suivre.

Il s'est ensuite à nouveau rendu dans cette maison le 20 aout. Malgré les réticences des gardes de Natalia et de Trotsky, Mornard/Mercader a de nouveau été autorisé à voir Trotsky seul – « Trois ou quatre minutes se sont écoulées », rapporte Natalia. « J'étais dans la chambre d'à côté. Il y a eu un cri perçant, horrible […] Lev Davidovitch (Trotsky) est apparu, appuyé contre le cadre de porte. Son visage était couvert de sang, ses yeux bleus étincelants sans lunettes et ses bras pendant à son côté […] Mornard avait frappé Trotsky d'un coup fatal porté à l'arrière de la tête à l'aide d'un pic à glace dissimulé dans son imperméable. Mais le coup n'avait pas immédiatement été mortel ». « Trotsky a crié très longuement, infiniment longuement », comme l'a précisé Mercader lui-même, et s'est courageusement jeté sur son assassin, ce qui a empêché d'autres coups de survenir.

« Le médecin a déclaré que la blessure n'était pas très grave », dit Natalia. « Lev Davidovitch écouta sans émotion, comme on le ferait d'un message classique de confort. Attirant l'attention sur son cœur, il dit : « Je sens … ici … que c'est la fin … cette fois … ils ont réussi. » » (Vie et mort de Léon Trotsky, p. 268) Trotsky a été transporté à l'hôpital, a été opéré et a survécu pendant plus d'une journée pour finalement mourir à l'âge de 62 ans le 21 aout 1940.

Mercader semble avoir espéré disposer d'un traitement similaire à celui de Siqueiros et pouvoir bénéficier d'une peine légère. Mais il a été condamné à 20 ans de prison, qu'il a effectivement prestées. Cependant, même après que son identité ait été fermement établie avec ses empreintes digitales et d'autres preuves, il a refusé d'admettre qui il était ou qui lui avait ordonné d'assassiner Trotsky. Le crime a été quasiment universellement attribué à Staline et au GPU, mais les staliniens ont nié toute responsabilité. Cependant, la mère de Mercader, qui s'était enfuie du Mexique avec Eitingon, a été présentée à Staline et décorée ainsi que son fils. Mercader lui-même a été honoré lors de son retour à l'Est après sa libération. En dépit de son silence, toute une série de preuves sont arrivées, notamment à partir du témoignage d'espions russes traduits en justice aux États-Unis, de celui de certains des meilleurs agents du GPU qui ont fait défection vers les pays occidentaux ou encore à partir des mémoires de dirigeants staliniens eux-mêmes. Mercader faisait clairement partie de la machine de terreur secrète de Staline.

En fin de compte, Staline a réussi à tuer l'homme qui – aux côtés de Lénine – était sans aucun doute le plus grand dirigeant révolutionnaire de l'histoire. Mais, comme Natalia Sédova l'a écrit par la suite : « Tout au long de sa vie héroïque et magnifique, Lev Davidovitch a cru en l'émancipation de l'humanité. Au cours des dernières années de sa vie, sa foi ne s'est pas affaiblie, au contraire, elle était devenue plus mature, plus ferme que jamais. L'humanité s'émancipera de toute oppression et triomphera des exploitations de toutes sortes. » (How it happened, novembre 1940) 

Une scène du film “L'Assassinat de Trotsky” (1972)
  

L'héritage de Trotsky


De nombreuses tentatives ont été faites de présenter Trotsky comme un personnage tragique, comme si sa perspective d'une révolution socialiste dans les pays capitalistes développés et d'une révolution politique en Union soviétique était “noble”, mais désespérément idéaliste. C'est le point de vue sous-entendu par Isaac Deutscher dans le troisième volume de sa biographie Trotsky, le prophète désarmé, dans laquelle il dénigre les efforts de Trotsky pour réorganiser et ré-armer une nouvelle direction marxiste internationale avec la création de la Quatrième Internationale en 1938, rejetant le travail tenace et minutieux de Trotsky comme futile.

Toute la vie de Trotsky et son œuvre après la révolution russe victorieuse a été indissolublement liée à la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière internationale, dans une première période de retraite, puis de défaites catastrophiques. Pour la simple raison que Trotsky a joué un rôle de premier plan dans la révolution d'Octobre, le reflux de la révolution l'a contraint à l'exil et à l'isolement politique. Mais alors que les sceptiques avaient abandonné les perspectives marxistes et fait la paix avec le stalinisme ou le capitalisme – ou les deux – Trotsky, et la petite poignée qui était restée attachée aux idées de l'Opposition de gauche, ont lutté pour ré-armer une nouvelle génération de dirigeants révolutionnaires pour l'avenir du mouvement de la classe ouvrière.

La Quatrième Internationale
Sa tâche – l'abolition de la domination capitaliste
 Son objectif – le socialisme
Sa méthode – la révolution prolétarienne


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