mardi 7 octobre 2014

Nigéria : Victoire pour la lutte des étudiants de Lagos !

Annulation partielle de la hausse des frais d'inscription



Mais la plus grande vigilance est de mise de la part des étudiants et employés de l'université pour s'assurer que les décisions seront bien appliquées !

Analyse par Hassan Taiwo Soweto (coordinateur national de la campagne ERC) et Michael Ogundele (secrétaire national d'ERC), 11 aout 2014


La Campagne pour le droit à l'enseignement (ERC) du Nigeria est heureuse d'annoncer l'annulation de la hausse astronomique des frais d'inscription qui avaient été imposée aux étudiants de l'Université d'État de Lagos (Lasu) par le gouverneur Babatunde Raji Fashola, gouverneur de l'État de Lagos. Le gouverneur a annoncé cette décision lors de la 19ème cérémonie de convocation à l'université ce jeudi 7 aout 2014.

Cependant, la plus grande vigilance est à présent de mise de la part des étudiants et du personnel de Lasu afin de s'assurer que cette décision sera respectée. En effet, l'expérience de la lutte des taxis-motos et des autres couches opprimées de la population de Lagos a démontré que le gouvernement APC (Rassemblement pan-progressiste) au pouvoir dans l'État de Lagos suit en réalité une politique antisociale brutale qui n'offre des concessions que lorsqu'il se trouve en campagne électorale, avant de revenir sur ses décisions une fois réélu.

Il est également très révélateur de constater que au moment même où se déroulait la cérémonie de convocation où le gouverneur Fashola a annoncé l'annulation de la hausse des frais d'inscription, les membres de l'Association du personnel statutaire des universités nigérianes (Ssanu) qui manifestaient pour l'amélioration de leurs conditions de travail étaient en train de se faire gazer. Ceci devrait donc servir d'avertissement pour tous les étudiants de Lasu : quand bien même l'annulation des frais d'inscription a été annoncée, la mentalité et la politique antisociales du gouvernement de l'État de Lagos reste la même. La campagne ERC appelle donc les étudiants à offrir un soutien actif aux membres de la Ssanu et à tous les autres syndicats qui luttent pour l'amélioration des conditions de travail, car sans la solidarité qui a été offerte aux étudiants par ces syndicats, nous n'aurions pas pu remporter cette victoire quant aux frais d'inscription.

Quoiqu'il en soit, la campagne ERC considèrent que la décision de l'annulation de la hausse des frais d'inscription par le gouvernement de l'État de Lagos signale la victoire de notre revendication qui était l'annulation pure et simple et immédiate de ces frais d'inscription antisociaux. Cette décision n'a pas été facile à prendre pour le gouvernement de l'État de Lagos ; si elle a été prise, ce n'est ni par bon vouloir, ni par gentillesse. Le gouvernement s'est vu contraint de concéder cela, au vu de la lutte de masse prolongée et incessante, au cours de laquelle de nombreux étudiants ont été battus, arrêtés et détenus. Le gouverneur Fashola l'a assez souvent répété ou du moins laissé entendre : si ça n'avait tenu qu'à lui, la hausse des frais d'inscription (active depuis trois ans déjà) était un fait du passé qui n'aurait même pas dû être remise en question.

Cependant, comme la campagne ERC l'a si souvent expliqué aux étudiants de Lasu, aucune montagne n'est inébranlable, aucune montagne n'est trop massive face à la volonté du peuple si celui-ci est résolu. L'ERC n'a jamais perdu l'espoir qu'il était possible d'obtenir cette victoire, tout comme nous conservons l'espoir que nous obtiendrons l'annulation pas seulement de cette hausse, mais l'annulation totale des frais d'inscription, pour un enseignement gratuit et de qualité. Notre espoir et notre enthousiasme se sont fondés sur le fait que cette hausse était une mesure profondément impopulaire, que personne ne soutenait ni à Lagos, ni au Nigeria ; fondés également sur notre foi éternelle en la capacité qu'ont les travailleurs et la jeunesse à changer leurs conditions de vie à partir du moment où ils en ont la volonté. D'ailleurs, nous avons pu voir la force de la classe des travailleurs à l'œuvre dans le cadre de ce conflit : la grève suivie par le Syndicat du personnel académique des universités (Asuu) de Lagos et par l'Association du personnel statutaire des universités nigérianes (Ssanu) a exercé une pression supplémentaire qui a finalement forcé le gouvernement à faire des concessions. C'est pourquoi la campagne ERC appelle systématiquement à l'unité d'action entre les travailleurs de l'enseignement et les étudiants dans le cadre de la lutte pour leurs droits.

Manifestation du mouvement “Save Lasu”

Histoire du conflit

Depuis septembre 2011, date à laquelle le gouvernement antisocial de l'État de Lagos a décidé d'augmenter les frais d'inscription à Lasu (qui étaient alors de 25 000 naïras, soit 75 000 francs CFA) pour atteindre une somme comprise entre 193 750 et 348 750 naïras (soit entre 400 000 et 1 million de francs CFA), l'ERC s'est retrouvée en première ligne dans le cadre de la lutte pour l'annulation de cette hausse. Cependant, la lutte a eu beaucoup de mal à démarrer, jusqu'à ce jour de janvier 2014, où 1292 étudiants se sont tout à coup vu refuser l'entrée aux examens parce qu'ils n'avaient pas payé l'inscription à l'université. C'est alors que ces étudiants sont partis en manifestation, aidés par l'ERC qui a lancé une plateforme #SaveLASU Campaign Movement, qui regroupait le Syndicat des étudians de l'université d'État de Lagos (Lasusu), le Syndicat national des étudiants de l'État de Lagos (Nulass) et plusieurs étudiants radicalisés de l'université à titre indépendant.

C'est grâce à la campagne #SaveLasu, pilotée par l'ERC, que la lutte pour l'annulation de la hausse des frais d'inscription a pu véritablement reprendre. Une action a été organisée le mardi 18 février devant l'Assemblée régionale. Un meeting a aussi été organisé avec plusieurs orateurs de poids tels que maitre Mohammed Fawehinmi. Une grande campagne a été lancée sur les réseaux sociaux avec le code #SaveLASU. Toutes ces forces combinées ont eu pour résultat de mettre sous pression le gouvernement régional, qui a été forcé de se pencher sur le problème, surtout vu que nous entrons en période électorale avant les présidentielles de 2015.

Quelle que soit la manière dont le gouvernement de l'État de Lagos cherche à présenter les faits, il est clair que notre victoire représente une cuisante défaite pour ce gouvernement et pour le parti APC et son discours soi-disant “progressiste” alors que la politique menée est profondément droitière et antisociale.

Il nous faut d'ailleurs nous rappeler que cette victoire n'est pas tombée du ciel : le gouvernement régional avait déjà montré plusieurs signes de faiblesse avant cela. Auparavant, lorsque des manifestations étudiantes provoquaient des désagréments, ce gouvernement avait pour habitude de faire porter la culpabilité aux étudiants et de les amender pour tout dégât causé. Mais cette fois-ci, après que l'ERC et la campagne #SaveLASU ait forcé le gouvernement à se pencher sur la question des frais d'inscription, qui était le principal motif du mouvement étudiant radical des 22 et 23 janvier, le gouvernement régional a annoncé qu'il allait lui-même investir la somme de 51 millions de naïras (150 millions de francs CFA) afin de réparer les propriétés de l'université qui avaient été endommagées au cours des manifestations. C'était là une première victoire. La deuxième victoire est arrivée bien plus tard, le mercredi 11 juin, lorsque le gouvernement régional a déclaré qu'il allait réduire les frais d'inscription de 34 à 60 %.

Sit-in des étudiants devant la maison du gouverneur de l'État de Lagos

Ce n'est qu'un début !

Toutefois, malgré ces concessions, la Campagne pour le droit à l'enseignement et le mouvement #SaveLASU continuent à réclamer l'annulation pure et simple de toutes les hausses sur les frais d'inscription. En effet, un premier pas vers une université ouverte à tous serait de revenir entièrement sur ce plan criminel, d'annuler ces hausses sans conditions. De plus, nous estimons que le Nigeria et en particulier la ville de Lagos sont assez riches que pour pouvoir fournir un enseignement gratuit, de qualité et géré de manière démocratique à tous les niveaux, du primaire au supérieur. Malheureusement, cela reste impossible malgré les immenses richesses que possède le Nigeria, en raison de la philosophie pro-capitaliste, néolibérale et antisociale qui est suivie par la classe politique au sein des partis PDP (parti du président Jonathan) et APC (principal parti d'opposition, au pouvoir à Lagos), qui considèrent l'enseignement non pas comme une responsabilité sociale, mais comme une potentielle source de profits.

Nous tenons à féliciter l'ensemble des étudiants et des travailleurs de Lasu pour leur victoire. Nous remercions tous les membres du mouvement #SaveLASU, le Sndicat des étudiants de l'université d'État de Lagos (Lasusu), le Syndicat national des étudiants de l'État de Lagos (Nulass), le Syndicat du personnel académique des universités (Asuu), l'Association du personnel statutaire des universités nigérianes (Ssanu) ainsi que tous les autres syndicats du personnel à Lasu, le Front d'action uni (Jaf), les organisations de la société civile à Lagos, les corps professionnels, la Fondation Cleen et maitre Mohammed Fawehinmi, les médias presse et en ligne, ainsi que l'ensemble des acteurs, participants et sympathisants qui ont joué un rôle crucial de soutien au mouvement. Cette victoire est celle de tous ceux qui croient au principe d'un enseignement gratuit, financé par le public et géré démocratiquement.

La victoire contre la hausse des frais à Lasu est un évènement très important pour le mouvement étudiant ; cela faisait une dizaine d'années que nous n'avions pas vu pareille victoire. Les étudiants de l'université Obafemi Awolowo (OAU), de l'université Olabisi Onabanjo (OOU) et des autres campus où les frais d'inscription ont également été augmentés ont de nombreuses leçons à tirer de la lutte à Lasu. La plus importante de ces leçons étant que la lutte paie, et que lorsque les masses opprimées se battent pour leurs droits, elles peuvent gagner.

Cependant, la lutte pour rendre l'enseignement accessible et ouvert à tous ne finit pas avec cette victoire. Aussi longtemps que des partis antisociaux tels que l'ACP et le PDP continueront à déterminer notre destinée, la politique antisociale se poursuivra, avec plus de hausse de frais et plus de commercialisation de l'enseignement. D'ailleurs, les acquis de la présente victoire seront immédiatement remis en question, dès après les élections de 2015, que l'APC soit réélu à Lagos ou que le PDP lui prenne sa place.

Une victoire permanente ne peut être acquise que par la lutte pour un enseignement gratuit, de qualité et géré démocratiquement, à condition de nous débarrasser de ces partis anti-pauvres pour placer à la tête de nos États et de la Fédération nigériane un parti politique qui représenterait véritablement les intérêts des travailleurs, des masses pauvres, des jeunes et des étudiants. C'est pourquoi la campagne ERC soutient la formation du Parti socialiste du Nigeria (SPN), lancé à l'initiative du Mouvement socialiste démocratique (DSM, section nigériane du CIO), et qui est en train d'accomplir les démarches en vue de son officialisation auprès de la CEI. Nous appelons tous ceux qui ont milité jour et nuit pour l'annulation des frais d'inscription à Lasu à nous rejoindre au SPN afin de pouvoir poursuivre tous ensemble le combat pour la libération totale et complète du Nigeria de l'emprise du capitalisme.
E-mail: edurightsforall@yahoo.co.uk


La bannière de l'ERC entre celle des syndicats étudiants
« – Non à la  hausse des frais et au sous-financement de l'enseignement
– Un enseignement gratuit de qualité est possible
– Pour des grèves et des actions dès maintenant ! »


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