Annulation partielle de la hausse des frais d'inscription
Mais la plus grande vigilance est de mise de la part des étudiants et employés de l'université pour s'assurer que les décisions seront bien appliquées !
Analyse par Hassan Taiwo Soweto (coordinateur national de la campagne ERC) et Michael Ogundele (secrétaire national d'ERC), 11 aout 2014
La Campagne pour le
droit à l'enseignement (ERC) du Nigeria est heureuse d'annoncer
l'annulation de la hausse astronomique des frais d'inscription qui
avaient été imposée aux étudiants de l'Université d'État de
Lagos (Lasu) par le gouverneur Babatunde Raji Fashola,
gouverneur de l'État de Lagos. Le gouverneur a annoncé cette
décision lors de la 19ème cérémonie de convocation à
l'université ce jeudi 7 aout 2014.
Cependant, la plus
grande vigilance est à présent de mise de la part des étudiants et
du personnel de Lasu afin de s'assurer que cette décision sera
respectée. En effet, l'expérience de la lutte des taxis-motos et
des autres couches opprimées de la population de Lagos a démontré
que le gouvernement APC (Rassemblement pan-progressiste) au pouvoir
dans l'État de Lagos suit en réalité une politique antisociale
brutale qui n'offre des concessions que lorsqu'il se trouve en
campagne électorale, avant de revenir sur ses décisions une fois
réélu.
Il est également
très révélateur de constater que au moment même où se déroulait
la cérémonie de convocation où le gouverneur Fashola a
annoncé l'annulation de la hausse des frais d'inscription, les
membres de l'Association du personnel statutaire des universités
nigérianes (Ssanu) qui manifestaient pour l'amélioration de leurs
conditions de travail étaient en train de se faire gazer. Ceci
devrait donc servir d'avertissement pour tous les étudiants de
Lasu : quand bien même l'annulation des frais d'inscription a
été annoncée, la mentalité et la politique antisociales du
gouvernement de l'État de Lagos reste la même. La campagne ERC
appelle donc les étudiants à offrir un soutien actif aux membres de
la Ssanu et à tous les autres syndicats qui luttent pour
l'amélioration des conditions de travail, car sans la solidarité
qui a été offerte aux étudiants par ces syndicats, nous n'aurions
pas pu remporter cette victoire quant aux frais d'inscription.
Quoiqu'il en soit, la
campagne ERC considèrent que la décision de l'annulation de la
hausse des frais d'inscription par le gouvernement de l'État de
Lagos signale la victoire de notre revendication qui était
l'annulation pure et simple et immédiate de ces frais d'inscription
antisociaux. Cette décision n'a pas été facile à prendre pour le
gouvernement de l'État de Lagos ; si elle a été prise, ce
n'est ni par bon vouloir, ni par gentillesse. Le gouvernement s'est
vu contraint de concéder cela, au vu de la lutte de masse prolongée
et incessante, au cours de laquelle de nombreux étudiants ont été
battus, arrêtés et détenus. Le gouverneur Fashola l'a assez
souvent répété ou du moins laissé entendre : si ça n'avait
tenu qu'à lui, la hausse des frais d'inscription (active depuis
trois ans déjà) était un fait du passé qui n'aurait même
pas dû être remise en question.
Cependant, comme la
campagne ERC l'a si souvent expliqué aux étudiants de Lasu, aucune
montagne n'est inébranlable, aucune montagne n'est trop massive face
à la volonté du peuple si celui-ci est résolu. L'ERC n'a jamais
perdu l'espoir qu'il était possible d'obtenir cette victoire, tout
comme nous conservons l'espoir que nous obtiendrons l'annulation pas
seulement de cette hausse, mais l'annulation totale des frais
d'inscription, pour un enseignement gratuit et de qualité. Notre
espoir et notre enthousiasme se sont fondés sur le fait que cette
hausse était une mesure profondément impopulaire, que personne ne
soutenait ni à Lagos, ni au Nigeria ; fondés également sur
notre foi éternelle en la capacité qu'ont les travailleurs et la
jeunesse à changer leurs conditions de vie à partir du moment où
ils en ont la volonté. D'ailleurs, nous avons pu voir la force de la
classe des travailleurs à l'œuvre dans le cadre de ce conflit :
la grève suivie par le Syndicat du personnel académique des
universités (Asuu) de Lagos et par l'Association du personnel
statutaire des universités nigérianes (Ssanu) a exercé une
pression supplémentaire qui a finalement forcé le gouvernement à
faire des concessions. C'est pourquoi la campagne ERC appelle
systématiquement à l'unité d'action entre les travailleurs de
l'enseignement et les étudiants dans le cadre de la lutte pour leurs
droits.
Manifestation du mouvement “Save Lasu” |
Histoire du conflit
Depuis
septembre 2011, date à laquelle le gouvernement antisocial de
l'État de Lagos a décidé d'augmenter les frais d'inscription à
Lasu (qui étaient alors de 25 000 naïras, soit
75 000 francs CFA) pour atteindre une somme comprise
entre 193 750 et 348 750 naïras (soit entre
400 000 et 1 million de francs CFA), l'ERC s'est
retrouvée en première ligne dans le cadre de la lutte pour
l'annulation de cette hausse. Cependant, la lutte a eu beaucoup de
mal à démarrer, jusqu'à ce jour de janvier 2014, où
1292 étudiants se sont tout à coup vu refuser l'entrée aux
examens parce qu'ils n'avaient pas payé l'inscription à
l'université. C'est alors que ces étudiants sont partis en
manifestation, aidés par l'ERC qui a lancé une plateforme #SaveLASU
Campaign Movement, qui regroupait le Syndicat des étudians de
l'université d'État de Lagos (Lasusu), le Syndicat national des
étudiants de l'État de Lagos (Nulass) et plusieurs étudiants
radicalisés de l'université à titre indépendant.
C'est grâce à la
campagne #SaveLasu, pilotée par l'ERC, que la lutte pour
l'annulation de la hausse des frais d'inscription a pu véritablement
reprendre. Une action a été organisée le mardi 18 février
devant l'Assemblée régionale. Un meeting a aussi été organisé
avec plusieurs orateurs de poids tels que maitre Mohammed Fawehinmi. Une grande campagne a été lancée sur les
réseaux sociaux avec le code #SaveLASU. Toutes ces forces combinées
ont eu pour résultat de mettre sous pression le gouvernement
régional, qui a été forcé de se pencher sur le problème, surtout
vu que nous entrons en période électorale avant les présidentielles
de 2015.
Quelle
que soit la manière dont le gouvernement de l'État de Lagos cherche
à présenter les faits, il est clair que notre victoire représente
une cuisante défaite pour ce gouvernement et pour le parti APC et
son discours soi-disant “progressiste” alors que la politique
menée est profondément droitière et antisociale.
Il
nous faut d'ailleurs nous rappeler que cette victoire n'est pas
tombée du ciel : le gouvernement régional avait déjà montré
plusieurs signes de faiblesse avant cela. Auparavant, lorsque des
manifestations étudiantes provoquaient des désagréments, ce
gouvernement avait pour habitude de faire porter la culpabilité aux
étudiants et de les amender pour tout dégât causé. Mais cette
fois-ci, après que l'ERC et la campagne #SaveLASU ait forcé le
gouvernement à se pencher sur la question des frais d'inscription,
qui était le principal motif du mouvement étudiant radical des 22
et 23 janvier, le gouvernement régional a annoncé qu'il
allait lui-même investir la somme de 51 millions de naïras
(150 millions de francs CFA) afin de réparer les
propriétés de l'université qui avaient été endommagées au cours
des manifestations. C'était là une première victoire. La deuxième
victoire est arrivée bien plus tard, le mercredi 11 juin,
lorsque le gouvernement régional a déclaré qu'il allait réduire
les frais d'inscription de 34 à 60 %.
Sit-in des étudiants devant la maison du gouverneur de l'État de Lagos |
Ce n'est qu'un début !
Toutefois, malgré
ces concessions, la Campagne pour le droit à l'enseignement et le
mouvement #SaveLASU continuent à réclamer l'annulation pure et
simple de toutes les hausses sur les frais d'inscription. En effet,
un premier pas vers une université ouverte à tous serait de revenir
entièrement sur ce plan criminel, d'annuler ces hausses sans
conditions. De plus, nous estimons que le Nigeria et en particulier
la ville de Lagos sont assez riches que pour pouvoir fournir un
enseignement gratuit, de qualité et géré de manière démocratique
à tous les niveaux, du primaire au supérieur. Malheureusement, cela
reste impossible malgré les immenses richesses que possède le
Nigeria, en raison de la philosophie pro-capitaliste, néolibérale
et antisociale qui est suivie par la classe politique au sein des
partis PDP (parti du président Jonathan) et APC (principal parti
d'opposition, au pouvoir à Lagos), qui considèrent l'enseignement
non pas comme une responsabilité sociale, mais comme une potentielle
source de profits.
Nous tenons à
féliciter l'ensemble des étudiants et des travailleurs de Lasu pour
leur victoire. Nous remercions tous les membres du mouvement
#SaveLASU, le Sndicat des étudiants de l'université d'État de
Lagos (Lasusu), le Syndicat national des étudiants de l'État de
Lagos (Nulass), le Syndicat du personnel académique des universités
(Asuu), l'Association du personnel statutaire des universités
nigérianes (Ssanu) ainsi que tous les autres syndicats du personnel
à Lasu, le Front d'action uni (Jaf), les organisations de la société
civile à Lagos, les corps professionnels, la Fondation Cleen et maitre Mohammed Fawehinmi,
les médias presse et en ligne, ainsi que l'ensemble des acteurs,
participants et sympathisants qui ont joué un rôle crucial de
soutien au mouvement. Cette victoire est celle de tous ceux qui
croient au principe d'un enseignement gratuit, financé par le public
et géré démocratiquement.
La
victoire contre la hausse des frais à Lasu est un évènement très
important pour le mouvement étudiant ; cela faisait une dizaine
d'années que nous n'avions pas vu pareille victoire. Les étudiants
de l'université Obafemi Awolowo (OAU), de l'université
Olabisi Onabanjo (OOU) et des autres campus où les frais
d'inscription ont également été augmentés ont de nombreuses
leçons à tirer de la lutte à Lasu. La plus importante de ces
leçons étant que la lutte paie, et que lorsque les masses opprimées
se battent pour leurs droits, elles peuvent gagner.
Cependant, la lutte
pour rendre l'enseignement accessible et ouvert à tous ne finit pas
avec cette victoire. Aussi longtemps que des partis antisociaux tels
que l'ACP et le PDP continueront à déterminer notre destinée, la
politique antisociale se poursuivra, avec plus de hausse de frais et
plus de commercialisation de l'enseignement. D'ailleurs, les acquis
de la présente victoire seront immédiatement remis en question, dès
après les élections de 2015, que l'APC soit réélu à Lagos
ou que le PDP lui prenne sa place.
Une victoire
permanente ne peut être acquise que par la lutte pour un
enseignement gratuit, de qualité et géré démocratiquement, à
condition de nous débarrasser de ces partis anti-pauvres pour placer
à la tête de nos États et de la Fédération nigériane un parti
politique qui représenterait véritablement les intérêts des
travailleurs, des masses pauvres, des jeunes et des étudiants. C'est
pourquoi la campagne ERC soutient la formation du Parti socialiste
du Nigeria (SPN), lancé à l'initiative du Mouvement socialiste
démocratique (DSM, section nigériane du CIO), et qui est en train
d'accomplir les démarches en vue de son officialisation auprès de
la CEI. Nous appelons tous ceux qui ont milité jour et nuit pour
l'annulation des frais d'inscription à Lasu à nous rejoindre au SPN
afin de pouvoir poursuivre tous ensemble le combat pour la libération
totale et complète du Nigeria de l'emprise du capitalisme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire