Perspectives mondiales : l'Asie, l'Afrique
Début décembre 2014, s'est tenue une réunion du Comité exécutif international du CIO (CEI), une structure composée de 2-3 délégués de chaque section nationale du CIO, élus lors de notre Congrès mondial bisannuel. Comme lors de chacune de ces réunions, le CEI a débattu de l'actualité mondiale, région par région, pays par pays, ainsi que de l'état d'avancement de notre travail dans nos différentes sections, pour ensuite déterminer notre ligne politique au niveau international, cela en vue d'encourager, accompagner, structurer et guider le processus de la révolution mondiale à venir jusqu'à l'année prochaine.
Ce rapport est en sept parties : 1) Grandes tendances et économie mondiales ; 2) États-Unis et Europe ; 3) Moyen-Orient/Afrique du Nord et Europe de l'Est ; 4) Asie du Sud et de l'Est + Afrique ; 5) Amérique latine (introduction et Amérique centrale) ; 6) Amérique du Sud ; 7) Débat sur la question nationale.
Ceci est la quatrième partie de ce document, concernant l'Asie et l'Afrique.
Retrouvez toute la série d'articles en cliquant sur ce lien : CEI 2014.
Retrouvez toute la série d'articles en cliquant sur ce lien : CEI 2014.
Hong Kong
et la Chine
La situation explosive à Hong Kong, que le CIO et en particulier nos camarades chinois et hongkongais avaient prévue de longue date, a attiré l'attention du monde entier. Ces évènements cruciaux sont certainement une anticipation de ce qui pourrait survenir en Chine même dans un futur proche, bien que sans doute sous une forme différente. Nos sites ont régulièrement couvert l'évolution de la situation au fur et à mesure que la contestation se développait. Tout en soutenant l'expression massive des revendications pro-démocratiques, nos camarades – qui constituent la seule véritable force trotskiste dans la région – expliquent que la lutte à Hong Kong est intrinsèquement liée au renversement du régime dictatorial chinois sur le continent.
Les
mouvements du passé ont échoué et se sont écrasés parce que
leurs dirigeants ont refusé d'élargir le mouvement, parce qu'ils
avaient peur de la réaction de Beijing. Nos camarades ont toujours
mis en avant le fait que le régime chinois « peut être
combattu à Hong Kong, mais ne peut être vaincu qu'en Chine ».
Qui plus est, même une démocratie capitaliste limitée, surtout
dans le monde néocolonial, est quelque chose de très fragile, qui
peut être déraciné aussi rapidement avant même qu'elle n'ait le
temps de germer, surtout dans des périodes d'intense tensions
sociales comme on le voit à présent à Hong Kong. La
contestation est alimentée non seulement par la soif de démocratie
mais aussi par la hausse du cout de la vie, des loyers, des
inégalités, etc. Hong Kong est aujourd'hui avec Londres une
des villes où la vie est la plus chère au monde. C'est ce qui cause
la colère et la ténacité des étudiants et de leurs sympathisants,
qui les pousse à manifester sur une base quotidienne et à
intensifier la lutte depuis plus d'un mois.
Le
chef de l'exécutif hongkongais, C.Y. Leung (Lèung Zānyîng),
n'est qu'une marionnette de Beijing, détesté par tout le monde :
« Il ne se bat pas pour nous, disait un des manifestants. Il ne
fait que gérer Hong Kong pour le compte du gouvernement
chinois. En fait, il gère la ville pour le compte des grands patrons
qui contrôlent tout. Nous avons 20 ans , nous avons un
travail ; il est temps de quitter le domicile familial. Mais
nous n'allons jamais acheter un appartement. Jamais. » En
d'autres termes, « Les salaires des jeunes ont chuté de 10 à
15 % depuis l'an 2000 », disait Michael De Golyer,
du Projet de transition de Hong Kong. Pendant ce temps, les prix
de l'immobilier ont monté en flèche, pour atteindre 14 fois le
revenu annuel moyen.
L'influx
de population en provenance du continent (c'est-à-dire du reste de
la Chine hors Hong Kong) a également accru la concurrence pour
les emplois qualifiés, le logement et les sièges dans les
transports en commun. C'est pourquoi la lutte pour les droits
démocratiques à Hong Kong est irrémédiablement liée aux
revendications sociales à Hong Kong et en Chine continentale.
Si l'étincelle qui allumera le feu de la révolution pourrait bien
venir de Hong Kong, il n'est pas exclu que les masses chinoises
partent en action les premières. Il ne fait cependant aucun doute
que la mémoire du passé (surtout le massacre de la
place Tiān'ānmén d'il y a 25 ans) pèse lourdement sur
la conscience des masses à Hong Kong comme en Chine
continentale.
Mais les
derniers mois à Hong Kong ont montré que la nouvelle
génération s'est éveillée à une nouvelle vie politique et a
commencé à se débarrasser d'une partie de la peur du régime de
Beijing. De même, la jeunesse de Chine – malgré la lourde
censure et le contrôle policier de l'internet – va prendre
conscience de ces évènements, va y réfléchir, et finira par en
tirer les conclusions qui s'imposent. Le fait que les étudiants se
soient retrouvés en première ligne du mouvement à Hong Kong
n'est pas fortuit : ils suivent en cela une tradition bien
établie en Chine, où les étudiants sont souvent ceux qui ouvrent
la voie aux mouvements de masse.
Bien
entendu, nous avons vu l'écrasement sanglant des étudiants par le
régime stalinien sur la place Tiān'ānmén en 1989.
The Economist, comme s'il travaillait pour Beijing, rappelle aux
étudiants et autres manifestants la brutalité de ce régime :
« Sur les dix conflits les plus sanglants de l'histoire
humaine, deux ont été des guerres mondiales. Sur les huit autres,
cinq se sont déroulés ou ont démarré en
Chine »
(il
s'agit, dans l'ordre chronologique, de la guerre des Trois Royaumes,
de la révolte d'Ān Lùshān,
de la conquête de la Chine par les Mandchous, de la révolte des
Tàipíng, et de la guerre civile de 1927-50, qui ont toutes
ensemble fait entre 100 et 200 millions de morts).
Toutefois, la force seule ne peut endiguer la marche de l'histoire.
La répression stalinienne est parvenue à vaincre les étudiants
en 1989, mais ce n'est que temporaire. N'oublions pas que ce
sont des étudiants qui, 70 ans plus tôt, le 4 mai 1919,
ont lancé le mouvement contre l'injustice du traité de Versailles
(celui
rédigé par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale et
qui dépouillait l'Allemagne de toutes ses colonies et comptoirs dans
le monde) ;
un mouvement qui a finalement mené à la formation de ce même Parti
communiste chinois – composé à l'époque de 11 personnes –
qui allait diriger la révolution chinoise ! Il ne faut donc
guère s'étonner de voir le Financial Times écrire :
« Hong Kong ne sera plus jamais le même ».
Quant
aux perspectives pour la Chine elle-même (Chine continentale), nous
avons déjà touché un mot de l'évolution de l'économie sur le
court terme. La récession mondiale a eu un impact majeur sur la
Chine comme sur le reste du monde. Après 2008, le régime de
Beijing était parvenu à maintenir un taux de croissance stupéfiant.
Pas autant qu'avant, mais tout de même un des taux de croissance les
plus grands, si pas le plus grand au monde. La Chine a d'ailleurs
tiré de nombreux pays de la crise grâce à sa demande pour leurs
matières premières. Mais à présent, la baisse de la croissance
entraine d'importantes conséquences : les pays riches en
matières premières, comme l'Australie ou le Brésil, sont en train
d'entrer en récession au fur et à mesure que la croissance chinoise
ralentit.
Le mouvement pour la démocratie à Hong Kong : « La liberté est un droit, pas un privilège » |
La montée en puissance de la Chine
La
montée en puissance de la Chine a été remarquable tout au long de
cette importante période de son histoire. La Chine était la plus
grande économie mondiale en 1820, avec 33 % du PIB
mondial ; mais un siècle plus tard, elle ne contribuait plus
que pour 5 % de la production mondiale (vu
la révolution industrielle en Occident).
Les économistes bourgeois insistent sur le fait que la rapide
croissance économique de la Chine a commencé avec les « réformes »
libérales de Dèng Xiǎopíng
en 1979,
parce qu'ils désirent passer sous silence les immenses acquis qui
ont été obtenus sur base de la révolution de 1949 :
l'industrialisation et le développement social en termes
d'alphabétisation, d'éducation et de santé.
Malgré le frein que
représentait le contrôle bureaucratique imposé d'en haut (que le
CIO a analysé dans de nombreux autres articles), grâce à la
planification de son économie, le PIB chinois s'est accru de 200 %
(mesuré en parité pouvoir d'achat) tout au long de la période
Máo Zédōng (1950-1976) tandis que le revenu par habitant
s'élevait de 80 %. Sans cette révolution industrielle, la
croissance rapide du PIB sous des régimes de plus en plus
pro-capitalistes aurait été impossible.
Selon
certains rapports récents, la Chine serait à présent déjà
devenue la plus grande puissance économique du monde, bien que
certaines institutions disent qu'elle devrait attendre au moins 2017,
si pas les années 2020, pour pouvoir se confirmer en tête du
classement. La croissance du PIB chinois a été en moyenne de +10 %
par an tout au long de la période de 1979 à 2012, ce qui
a permis à la Chine de doubler tous les dix ans la taille de
son économie en termes réels. Au taux actuel, on estime que la part
de la Chine dans le PIB mondial va s'accroitre de 5 % par
décennie. Il y a environ cent ans, lorsque les États-Unis se
trouvaient à un stade de développement similaire à celui où se
trouve la Chine aujourd'hui, leur croissance était d'environ +2,5 %
par an. À son apogée, le capitalisme britannique du 19è siècle
croissait de +2 % par an.
Cependant, il faudra encore des années
avant que le revenu par habitant chinois n'atteigne le niveau de
l'Occident. En termes de parité de pouvoir d'achat, le PIB par
habitant en Chine est d'environ 9500 $, c'est-à-dire à peine
19 % du PIB par habitant aux États-Unis ; et on prévoit
qu'en 2030, ce PIB par habitant chinois ne vaudra encore que
33 % du PIB par habitant américain. Cela s'explique par de
nombreux facteurs, que nous n'avons pas l'espace d'analyser ici plus
en détail.
En
outre, la Chine a un gros problème démographique, avec une
population qui commence déjà à vieillir et dont les pensions vont
devenir de plus en plus difficiles à payer sur le moyen terme. La
croissance de son énorme force de travail, qui est à l'origine de
la rapide hausse de l'économie chinoise, a atteint un tournant.
De 1991 à 2010, la population active chinoise a crû de
30 40 %, mais à peine de 0,2 % en 2011 14,
et devrait commencer à décliner à partir de 2015.
C'est ce
qui a contraint le troisième plénum du Parti “communiste”
à modifier la politique de l'“enfant unique” qui était en
vigueur depuis 35 ans dans le pays (désormais,
un couple a le droit de faire la demande d'une autorisation pour
avoir un deuxième enfant, si un des parents est lui-même ou
elle-même enfant unique).
La réforme limitée effectuée par le plénum n'a elle-même
provoqué qu'un enthousiasme limité : sur 11 millions de
couples ayant désormais droit à un second enfant, seuls
700 000 couples en ont fait la demande. La raison
principale en est le cout élevé de l'éducation d'un enfant dans
les villes chinoises, en particulier la hausse incroyable des frais
scolaires.
Des analystes américains font remarquer que la Chine a
une grande population mais pas assez de nourriture, d'eau et
d'énergie pour l'entretenir. La question posée est donc « La
Chine va-t-elle devenir vieille avant de devenir riche ? – la
réponse est certainement “Oui”, si la richesse est définie par
le niveau de l'Occident ».
Le
scénario le plus optimiste que les analystes bourgeois ont à nous
offrir est une baisse graduelle de la croissance chinoise. Mais un
revirement pire encore pourrait se produire, un scénario dans lequel
l'évolution du “capitalisme d'État” chinois passerait de plus
en plus vers un modèle néolibéral de plus en plus “normal”, ce
qui entrainerait un effondrement total de l'économie. En
novembre 2013, le troisième plénum du Parti “communiste”
chinois a appelé à un rôle plus « décisif » du
marché, tout en soulignant l'importance continue du « secteur
public ».
Nous avons pourtant déjà entendu la même chanson
auparavant : le régime avait conçu des plans pour une vague de
privatisation massive et à grande échelle, mais avait reculé au
dernier moment à cause de la crainte de voir se développer un
chômage de masse, avec toutes les conséquences que cela
entrainerait. Beaucoup des “princes” de l'économie sont enfoncés
jusqu'au cou dans des scandales de corruption de haut vol impliquant
des banques et des entreprises d'État. Toutefois, il est clair que
le cap est maintenu vers de plus en plus de privatisations, dont les
conséquences sont déjà prévisibles.
Le
président chinois Xí Jìnpíng est arrivé au pouvoir avec
pour objectif une centralisation croissante du pouvoir entre ses
mains et entre celles du petit cercle qui l'entoure, en plus de
vouloir mettre au pas la bureaucratie et faire cesser le pillage des
ressources d'État par une corruption sans précédent. Le
mécontentement par rapport à cet enjeu a en effet atteint une
ampleur massive : dans un récent sondage Pew, 50 % des
Chinois déclaraient considérer les cadres corrompus comme étant un
« gros problème ». En 2008, cette opinion n'était
partagée que par 39 % de la population.
La
perspective selon laquelle la classe moyenne chinoise pourra d'une
manière ou d'une autre éviter les troubles révolutionnaires est
plutôt erronée. La Chine part d'une base économique relativement
faible en termes de revenu par habitant. À part les troubles qui
vont certainement provenir de la classe des travailleurs, de larges
couches de la population, considérées comme “classe moyenne”,
pourraient bientôt former les bataillons de ce que l'on pourrait
appeler une “révolution des attentes frustrées”. Il y a déjà
beaucoup de ressentiment en Chine contre la déclaration d'Obama
selon laquelle « Il serait impossible pour la planète de voir
la Chine ou l'Inde atteindre le niveau de vie des États-Unis ».
Nous avons signalé la même chose dans notre ouvrage Le
marxisme au 21e siècle,
mais en avons tiré une conclusion différente.
Nous y citions un écologiste chinois qui disait qu'il faudrait les
ressources de quatre planètes pour pouvoir permettre à la
Chine de vivre sur le même mode de vie que les États-Unis.
Toutefois, cela ne veut pas dire que la Chine est condamnée à une
éternité de bas niveau de vie. Car sur base d'une confédération
socialiste mondiale, le niveau de vie moyen de toute l'humanité
pourrait être égal ou supérieur au niveau de vie américain
actuel, grâce à la mise en place d'un plan de production mondial
démocratique et écologique.
Sur
le court terme, la Chine se dirige certainement vers une grave crise.
Elle a déjà une dette monumentale, qui est passée de 48 % de
son PIB en 2008, à 261 % du PIB aujourd'hui. Nous devons
nous attendre à des convulsions terribles en Chine, lesquelles
auront, par définition, un impact mondial.
La Chine se dirige certainement vers une grave crise à plusieurs niveaux : économique, démographique, social, ethnique, environnemental… |
L'Inde
La
croissance indienne a diminué de moitié, pour ne plus atteindre que
5 %. C'est Narendra Modi, chef du parti nationaliste hindou
de droite BJP (Bharatiya Janata Party, « Parti
du peuple indien »),
qui a été élu Premier ministre à la suite des élections
générales de cette année (le
président indien a un rôle essentiellement honorifique et de
“garant de l'État”, tandis que le pouvoir de décision
appartient au Premier ministre, comme c'est le cas aussi en Allemagne
et en Italie).
La victoire de Modi a été considérée comme une défaite de la gauche. Mais cette affirmation est plutôt exagérée, vu qu'il n'a remporté
que 31 % des voix, qui lui ont toutefois permis de remporter la victoire en
vertu du système électoral indien qui donne automatiquement la
victoire à la formation qui a le plus de voix, en un seul tour. Ce
score est plutôt médiocre lorsqu'on le compare aux millions de
dollars qui ont été dépensés en propagande et en cadeaux
électoraux. Mais le BJP tente d'exploiter cette victoire pour se
renforcer sur le plan national, pas seulement sur base du
nationalisme hindou extrême. Il cherche plutôt à utiliser les
modèles de Gandhi et Nehru (dirigeants
historiques de l'indépendance et de la république indiennes).
La
victoire de Modi ne représente pas une victoire décisive de la
réaction, et ne signifie pas non plus que la classe des travailleurs
est restée passive. En fait, de nombreuses petites grèves sont en
train d'éclater çà et là, et il y a la possibilité de voir une
action nationale être organisée d'ici la fin de l'année ou au
début de l'an prochain. Néanmoins, la possibilité est réelle de
voir la question nationale revenir à l'avant-plan du débat dans
toute une série d'États, et on ne peut exclure l'émergence de
conflits armés.
Toutefois,
les énormes scandales de corruption et la mise en place d'une
politique néolibérale ont semé le désarroi parmi le Parti du
congrès (le
parti national traditionnel de Gandhi et de Nehru).
Du côté des différents partis “communistes”, ceux-ci sont de
plus en plus affaiblis par leurs alliances successives avec divers
partis bourgeois et par leur politique antisociale. Cela ouvre la
possibilité pour notre petite voix de se faire entendre auprès de
la masse des travailleurs, des paysans et des pauvres, afin de les
appeler à la constitution d'un nouveau parti des travailleurs de
masse qui reprendrait notre programme dans les grandes lignes.
Dans ce pays où la vaste majorité de la population sont toujours des
paysans sans terre et pauvres, une résistance de masse va se
développer contre la poursuite de la politique néolibérale. La
dégénérescence des partis “communistes” ouvre également la
possibilité de voir grandir dans les villes des mouvements ruraux
tels que le naxalisme (mouvement
maoïste indien duquel se réclament un grand nombre de diverses organisations de
guérilla paysanne, très actif dans l'Est et le Centre-Est indien).
Le naxalisme, version indienne du maoïsme (guérilla révolutionnaire paysanne), pourrait connaitre une nouvelle résurgence dans un futur proche |
Le Pakistan
Les masses du Pakistan sont confrontées à une situation horrible. D'un côté, elles sont tenaillées quotidiennement par la misère économique et sociale : la hausse du cout de la vie (surtout des prix des denrées de base) et la pauvreté affectent la vie de millions de personnes : 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. De l'autre côté, la croissance des sentiments religieux et la “talibanisation” du pays, couplées à l'absence d'une alternative socialiste large, fait que la classe prolétaire et les masses sont en ce moment en prise à un sentiment d'impuissance.
D'importants
investissements dans l'infrastructure – surtout dans le
domaine des transports – à Lahore et à Islamabad, en plus
d'une certaine croissance (bien que limitée) ont permis au
gouvernement de la Ligue musulmane du Pakistan (N) (Pakistan muslim
lig), dirigée par Nawaz Sharif, de bénéficier d'une certaine
période d'attente, lors de laquelle la population attend de voir ce
que ce gouvernement a à lui offrir, lui laisse une chance, avant de
se décider à agir. Cependant, cette “lune de miel” sera de
courte durée. La décision du gouvernement de passer à de nouvelles
privatisations de masse, en plus de la situation économique
générale, va à un certain moment pousser la population à
manifester son opposition. La défaite à prévoir de la lutte
annoncée contre la corruption ne va que contribuer à ce processus.
Le
gouvernement a aussi connu des tensions avec l'armée. Cependant,
malgré le fait qu'il semble repousser les plans de l'état-major, il
reste incapable de réellement remettre en question l'emprise des
militaires.
L'influence
religieuse croit de plus en plus dans le pays ; comme nous
l'avons commenté auparavant, on voit se produire une véritable
“talibanisation”. Les attaques sectaires et religieuses
deviennent de plus en plus virulentes, ce qui, couplé avec
l'inaction de la direction syndicale, renforce parmi les masses le
sentiment que rien ne peut être fait. À un certain stade, ce
sentiment va certainement changer. Cependant, il est extrêmement
difficile d'accomplir la tâche de maintenir une organisation
socialiste révolutionnaire lorsqu'on doit en même temps lutter en
permanence contre de tels obstacles.
Lors des
dernières élections, la croissance du parti d'Imran Khan,
Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI, Mouvement du Pakistan pour la
justice) a reflété un mouvement large issu des couches supérieures
de la jeunesse petite bourgeoise des zones urbaines. Il s'agissait
cependant d'un phénomène extrêmement contradictoire ; parmi
une importante couche de ces jeunes, le mouvement provenait d'une
aspiration au “changement”, à la “fin de la corruption”, et
à une transformation radicale de la société.
Khan a
cependant déçu de nombreuses sections de cette couche en s'avérant
incapable de mobiliser de manière durable au-delà de ses récentes
actions, ce qui fait que son parti se retrouve à présent isolé. En
se contentant de parler des problèmes de fraude électorale, sans
parler des véritables problèmes qui préoccupent les masses, son
mouvement n'a pas pu se développer et a fini par décliner. Ce
dernier développement signifie toutefois beaucoup, car il indique
dans quel sens se fera l'évolution future du sentiment parmi les
travailleurs et les pauvres. Il a révélé les failles qui s'ouvrent
parmi les classes moyennes et le fossé qui les sépare de l'élite.
Cela ouvre la possibilité qu'une petite section de ces couches se
radicalise et puisse être gagnée à l'idéologie socialiste.
Le mouvement populiste petit-bourgeois d'Imran Khan semble s'essouffler, mais a mené une partie de la jeunesse à se radicaliser |
Le Sri Lanka
Le Sri Lanka a
pu maintenir un taux de croissance de plus de 7 % en 2013
et 2014, surtout grâce à de gros investissements chinois et
indiens dans des grands projets d'infrastructure. Malgré cela, les
masses laborieuses n'ont toujours rien obtenu des “retombées de
l'après-guerre”, après que la guerre civile se soit brutalement
terminée en 2009 (une
guerre civile qui a duré 40 ans entre les Tamouls, minorité
hindoue séparatiste du Nord, et le régime du Sud à majorité
cingalaise, bouddhiste). Au
contraire, les droits démocratiques sont de plus en plus remis en
question, et l'emprise militariste et dynastique de Rajapakse sur
l'État s'est accrue.
Cette ile d'une grande importance stratégique
a reçu des investissements chinois pour un montant de plus de
3,5 milliards de dollars (2000 milliards de
francs CFA) qui ont renforcé l'emprise de la famille de
Rajapakse sur l'économie et les affaires d'État. En plus de cela,
plus de 100 entreprises indiennes sont actives au Sri Lanka.
Le nouveau gouvernement Modi en Inde a clairement laissé entendre
qu'il ne va pas facilement abandonner ses intérêts et qu'il va
continuer à fermer les yeux sur la nature dictatoriale de ce régime.
D'un autre côté,
les principaux pays occidentaux qui exportent vers le Sri Lanka
sont en perte de vitesse par rapport à l'Inde et à la Chine. Ils
ont lancé une opération d'enquête sur les crimes de guerre du
régime, menée par les États-Unis, qui a reçu l'opposition de la
Chine et de la Russie. Pendant la visite du président chinois
Xí Jìpíng en septembre de cette année, celui-ci a annoncé
que la Chine « s'opposera résolument à toute tentative
étrangère d'interférer dans les affaires internes du Sri Lanka,
quel qu'en soit le prétexte ». Une nouvelle crise de
l'économie mondiale qui s'accompagnerait d'un ralentissement de
l'économie chinoise et des investissements étrangers au Sri Lanka
pourrait toujours avoir un sérieux impact. L'énorme budget
militaire, d'une hauteur de 2 milliards de dollars
(1000 milliards de francs CFA) représente un véritable
fardeau pour l'économie – il constitue 12 % des dépenses
d'État cette année.
De plus, le régime
dictatorial est de plus en plus impopulaire. Cela s'est illustré
lors des récentes élections provinciales dans le Sud, lors
desquelles le parti au pouvoir a perdu beaucoup de voix, même dans
des provinces considérées comme ses bastions et où il y a eu de
grands investissements chinois – c'est le cas dans
l'arrondissement de Hambantota, l'arrondissement du président. Tandis que le régime utilise les forces nationalistes cingalaises
afin de polariser la société pour se maintenir au pouvoir, le
principal parti d'opposition bourgeois, le Parti national uni (Eksath
Jathiya Pakshaya), cherche un candidat “nationaliste cingalais”
alternatif afin de vaincre Mahinda Rajapakse lors des prochaines
élections présidentielles.
Même si Rajapakse va certainement
remporter ces élections, ce ne sera pas facile pour lui, vu qu'il a
perdu le soutien des minorités tamoule et musulmane, des étudiants
et d'une partie importante de la population pauvre du Sud, en plus
d'une grande partie de l'électorat des villes. Afin d'éviter de
perdre des votes lors de ces élections, ce qui représenterait en
soi une défaite, le président s'est résigné à faire quelques
concessions dans le dernier budget, y compris une petite augmentation
de salaire.
Cependant, il n'y a
pas de force d'opposition de masse des travailleurs, des paysans et
des pauvres qui serait capable d'organiser l'opposition croissante.
La construction d'une telle force est une des principales tâches du
Parti socialiste unifié (Eksath Samajavadi Pakshaya / Aikkiy
soōcialica Kaṭci,
section du CIO au Sri Lanka), malgré les énormes difficultés
qui se présentent. Au contraire du Janatha Vimukthi Peramuna (JVP,
Front de libération populaire), qui combine un chauvinisme cingalais
extrême avec des drapeaux rouges et une phraséologie socialisante,
nos camarades du ESP/ASK nagent à contre-courant de la
contre-révolution en maintenant un programme socialiste envers et
contre tous les obstacles.
La fière histoire du ESP/ASK en tant que
combattant déterminé pour la classe prolétaire et pour la défense
de toutes les minorités, y compris le droit à l'auto-détermination
des Tamouls, fait que nous sommes positionnés en tête parmi la
gauche en termes de clarté, de perspectives, de vision, etc. Nous
devons utiliser cet énorme capital politique en l'investissant dans
la construction d'une puissante force socialiste parmi la jeunesse et
les travailleurs.
La Malaisie
L'économie malaisienne est étroitement liée à celle de la Chine et sera affectée par le ralentissement de sa croissance. Le gouvernement du Barisan Nasional (BN, Front national), dirigé par l'Organisation nationale des Malais unis, est au pouvoir depuis 56 ans, depuis l'indépendance. Mais l'an dernier, ce parti a obtenu les pires résultats électoraux de son histoire, malgré avoir tout fait pour maintenir son hégémonie, y compris jouer avec les sentiments ethniques des Malais (la société malaisienne est divisée en trois grands groupes ethniques : les Malais autochtones, et les Chinois et Indiens d'origine allochtone). Le puissant mouvement anti-corruption “Bersih” (« Propre ») avait sapé les fondations du régime et se préparait à poursuivre les actions de masse après les élections.
Cependant, la
coalition d'opposition du Pakatan Rakyat (PR, Alliance
populaire) dirigée par Anwar Ibrahim, a tout fait pour freiner
le mouvement de protestation contre la fraude électorale parce qu'il
craignait que ce mouvement n'aille plus loin. Il ne voulait pas mener
le mouvement plus en avant sur des questions sociales et politiques ;
cela a été remarqué par les dizaines de milliers de jeunes,
d'étudiants et de militants qui ont pris part au Bersih. Mais il n'y
avait aucune force alternative pour proposer une stratégie de lutte
contre le système et pour une politique socialiste.
En même temps que le
régime réprimait brutalement le mouvement dans les rues, il a
concédé quelques réformes pour favoriser certaines couches de la
population, malgré le ralentissement de l'économie. Sa crainte d'un
renforcement de l'opposition s'est illustrée par ses nouvelles
tentatives de condamner Anwar Ibrahim pour une soi-disant
affaire de débauche sexuelle.
La section du CIO en
Malaisie a participé aux actions du Bersih en appelant le mouvement
à ne pas se limiter aux accusations de fraude électorale mais aussi
à adopter des revendications concernant le salaire minimum, de
meilleures conditions de vie et à lier ces revendications à l'idée
d'une transformation radicale pour quitter le système capitaliste.
Malheureusement, le Parti socialiste malaisien et d'autres
forces qui se disent socialistes ont préféré faire bloc avec la
direction droitière et ethniciste du Bersih et n'ont pas voulu
remettre en question le programme limité proposé par le PR.
Le mouvement Bersih (« Propre ») contre la corruption et la fraude électorale. Un mouvement potentiellement très puissant mais malheureusement limité. |
L'Afrique du Sud
Les élections
nationales du mois de mai ont vu le Congrès national africain (ANC)
se maintenir au pouvoir, comme on s'y attendait. Mais malgré le fait
que ce parti obtient toujours 62 % des voix, son véritable
soutien parmi la population en âge de voter n'est que de 35 % :
si 11 millions de personnes ont voté pour l'ANC, 14 millions
ont préféré ignorer le scrutin. Parmi les électeurs de l'ANC,
36 % seulement viennent des grandes villes et des régions
industrialisées. L'ANC est donc en train de devenir un parti
essentiellement rural ; d'importantes sections de la classe des
travailleurs et de la classe moyenne sont en train de rompre avec
lui.
La médiocrité du résultat de l'ANC a accéléré le processus
de crise interne ; de plus en plus de gens se demandent si Zuma
va vraiment pouvoir terminer son nouveau mandat présidentiel. Le
scandale causé par ses “travaux” somptueux effectués à sa
résidence de Nkandla, financés par l'État – des travaux qui
incluent une piscine, une salle de concert et une ferme à bétail –
n'a fait qu'empirer les choses. Ce n'est d'ailleurs pas le seul
scandale auquel Zuma et l'ANC sont confrontés ; leur autorité
est en perte de vitesse. Le gouvernement ANC de la province de
Gauteng tente déjà de se distancier du gouvernement national en
organisant des actions publiques contre les postes de péage sur les
autoroutes, détestés par toute la population.
Cependant, le
principal intérêt des élections de 2014 a été l'émergence
à gauche des Combattants pour la liberté économique (EFF,
Economic Freedom Fighters), une formation populiste de gauche
issue de la Ligue de la jeunesse ANC (qui a été dissoute depuis).
Les EFF ont obtenu un million de voix et 25 députés sur
base de leur programme de nationalisation partielle et de
redistribution radicale des terres. L'arrivée de ce parti a
complètement chamboulé la petite vie tranquille et polie que
menaient les partis bourgeois au parlement.
Toutefois, on voit déjà
de sérieuses contradictions apparaitre au sein des EFF. Les
militants se plaignent en effet du manque de démocratie et de
l'exclusion de toute personne qui critique la direction. Ce processus
ne fait que commencer, mais grâce à l'approche fraternelle et de
principe que nous avons adoptée depuis maintenant un an et
demi, nous sommes bien positionnés pour nous adresser aux forces
honnêtes et combatives qui ont été attirées par les EFF mais qui
sont aujourd'hui déçues. Malgré cela, les EFF n'ont certainement
pas atteint leur apogée et vont certainement surpasser leur
performance de 2014 lors des élections locales de 2016.
En décembre 2013,
le syndicat des métallurgistes, la Numsa (Union nationale des
travailleurs du métal d'Afrique du Sud, le plus grand syndicat du
continent africain), a décidé de ne pas mener campagne pour l'ANC
pendant la campagne de 2014, après que le massacre de Marikana
leur ait ouvert les yeux. Malheureusement, la Numsa a refusé de
prendre position lors de ces élections. Néanmoins, parmi les
affiliés de la Numsa et parmi la classe des travailleurs en général,
beaucoup de gens s'attendent à ce que la rupture de la Numsa
vis-à-vis de l'ANC mène à l'émergence d'un nouveau parti des
travailleurs, même si une partie de la direction de la Numsa préfère
continuer à dire que ce n'est là qu'une « possibilité ».
Le sentiment qui vit parmi les simples travailleurs confirme de
nouveau l'immense soif d'une alternative politique de la classe
prolétaire.
En réalité, la Numsa s'apprête à construire sur des
fondations qui ont été posées par la section sud africaine du
CIO, qui a énormément œuvré pour populariser l'idée d'un nouveau
parti des travailleurs pendant les grandes grèves des mineurs
en 2012 et avec le lancement du Parti ouvrier et socialiste
(Wasp, Workers and Socialist Party). La Numsa a annoncé qu'elle va
se pencher sur cette question lors de la réunion de son comité
exécutif central de mars 2015.
À la suite de la
décision de la Numsa, on a vu se dérouler le film de l'éclatement
au ralenti de la Cosatu (Congrès des syndicats sud africains),
la grande fédération syndicale, alignée sur l'ANC, et qui comptait
2,2 millions de membres il n'y pas si longtemps encore. Ce
processus a culminé avec l'expulsion de la Numsa au mois de
novembre. Suite à cette expulsion, la réaction de 7
des 19 syndicats affiliés au Cosatu a été de quitter
toute structure dirigeante de la fédération, en solidarité avec la
Numsa. Ce qui indique que ces organisations sont prêtes à se battre
contre cette expulsion. Comme nous l'avions anticipé lors de notre
réunion du CEI de l'an passé, la décision de la Numsa de rompre
avec l'ANC va logiquement mener à ce que ce syndicat prenne des
mesures pour l'émergence d'une nouvelle fédération syndicale et
d'un nouveau parti des travailleurs de masse.
Aux élections
de 2014, le Wasp n'a reçu que 8331 voix (0,05 %), ce
qui l'a positionné 21ème sur 29 partis en lice, en plus
de 4159 voix reçues lors de trois scrutins provinciaux
auxquels nous avions présenté des candidats. Ce résultat a été
décevant ; le Wasp s'attendait à plus. Mais la montée rapide
des EFF et la confusion causée par la direction de la Numsa, qui a
refusé de prendre position en faveur de l'un ou de l'autre, a fait
que le potentiel électoral du Wasp s'est retrouvé sérieusement
restreint.
Mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue que
d'importants pas en avant ont été effectués lors de notre
campagne. Ainsi, nous sommes parvenus à rallier Moses Mayekiso,
le secrétaire général fondateur de la Numsa, qui est un dirigeant
ouvrier hautement respecté et connu pour son rôle dans le mouvement
de libération ; c'est lui que le Wasp a présenté comme
candidat à la présidence. Le Wasp joue à présent un rôle
important en tant que pôle de gauche parmi les forces qui gravitent
aujourd'hui autour de la Numsa ; ce qui se comprend, vu que les
militants de la Numsa et leurs délégués eux-mêmes interviennent
dans chaque débat pour réclamer la création d'un nouveau parti des
travailleurs de masse armé d'un programme socialiste.
La direction du Cosatu a préféré se débarrasser de la Numsa plutôt que de répondre aux accusations de corruption ou de remettre en question son alliance avec l'ANC |
Le Nigeria
Les capitalistes aiment à citer l'économie du Nigeria en exemple afin de démontrer la capacité du capitalisme à développer l'Afrique. Le Nigeria est officiellement aujourd'hui la plus grande économie du continent africain, qui compte aussi le plus grand nombre de milliardaires en dollars du continent. Cependant, comme pour les autres pays africains, cette soi-disant croissance n'est fondée que sur la vente de matières premières – dans le cas du Nigeria, le pétrole et le gaz naturel – ainsi que sur les denrées alimentaires et les logements nécessaires à une population en pleine croissance. La chute du prix du pétrole révèle à présent la base très étroite de la croissance nigériane. L'industrie du Nigeria, loin de se développer, ne représente plus qu'une portion en berne de l'économie. En 2007, seuls 3 % du PIB venaient de l'industrie, comparé à 10 % en 1983.
La crise économique
qui s'intensifie rapidement va fortement influer sur le cours des
évènements au Nigeria. Depuis que les dirigeants syndicaux ont
trahi la grève générale de 2012 – qui a été la plus
grande grève de toute l'histoire du Nigeria – le niveau de
lutte de classes a été relativement bas, bien que d'importants
mouvements aient vu le jour depuis dans le secteur de l'enseignement
supérieur. Il y a aussi des actions de la part des enseignants pour
réclamer des mesures d'hygiène contre l'épidémie d'Ebola. Les
nouvelles attaques sur le niveau de vie de la classe prolétaire qui
vont à présent forcément arriver, surtout après les élections
nationales de février, vont amener à une nouvelle vague de lutte de
classe, quels que soient les efforts réalisés par les syndicalistes
pour la retenir.
Cela va aussi poser
la question d'une voix politique pour la classe prolétaire. La
section du CIO au Nigeria – le Mouvement socialiste
démocratique (DSM) – a une longue et fière histoire de lutte
pour la construction d'un véritable parti de masse des travailleurs
et des pauvres. La nécessité objective d'un tel parti est criante.
Le cynisme envers les principaux partis capitalistes est profondément
ancré dans la société. Le DSM a accompli de très grands pas en
avant avec le lancement d'une campagne qui est parvenue à remplir
les critères onéreux et antidémocratiques nécessaires pour faire
enregistrer le Parti socialiste du Nigeria (SPN). Le fait que cet
enregistrement ait été refusé montre bien qu'une partie de la
classe capitaliste au moins reconnait le potentiel du SPN et le
craint. Le DSM a maintenant lancé une campagne pour réclamer la
reconnaissance du SPN, via les tribunaux.
La grève générale
de 2012 nous a donné un aperçu de la puissance unificatrice du
prolétariat. Aucune attaque terroriste ne s'est produite tout au
long de la semaine qu'a duré ce mouvement, et on voyait fréquemment
– y compris dans le Nord-Est où est basé le Boko Haram –
des grévistes chrétiens encadrer les grévistes musulmans pour les
protéger pendant la prière, et vice-versa. Cependant, la crise
économique pourrait aussi approfondir les lignes de division
ethniques et religieuses.
Boko Haram
contrôle à présent une large région du Nord-Est, dont la
population s'élève à 10 millions de personnes. L'extrême
pauvreté dans cette région rurale du pays – où les
trois quarts de la population vivent sous le seuil de pauvreté –
crée des conditions dans lesquelles la jeunessse désemparée peut
être attirée par les idées de Boko Haram, surtout vu le
manque d'alternative et la brutalité sans nom qu'elle subit de la
part des forces de l'État nigérian. En même temps, certains
éléments de l'élite nordiste ne sont pas mécontents de voir le
président sudiste discrédité par les victoires militaires de
Boko Haram. Un autre facteur qui explique l'avancée de
Boko Haram est la démoralisation de l'armée nigériane. De
très nombreux soldats ont été condamnés à mort pour
« mutinerie » et « trahison » à cause de
leur refus d'aller se battre mal équipés contre une force
relativement bien armée (qui a volé une grande partie de son
matériel à l'armée nigériane).
L'élite nigériane
considère le conflit de Boko Haram comme un problème confiné
au nord-est du pays. Si cela peut être vrai à ce moment-ci, la
crise économique peut également mener à une hausse des tensions
nationales et ethniques entre les différentes factions de l'élite
qui se battent pour les parts d'un gâteau qui devient de plus en
plus petit. Après 16 ans de démocratie (bien que d'un
caractère extrêmement tronqué et corrompu), la classe capitaliste
ne va pas facilement revenir à un régime militaire, surtout parce
qu'elle craint les terribles conséquences que pourrait avoir une
nouvelle guerre civile. Toutefois, le capitalisme nigérian est d'une
nature si instable qu'il n'est pas impossible qu'une prise en charge
par l'armée se produise, peut-être avec une couverture
“démocratique”.
Tandis que Boko Haram continue à semer la terreur, l'État nigérian fait également tout pour empêcher la création d'une force militante capable de redonner espoir aux populations |
Lien vers la cinquième partie de ce document : perspectives pour l'Amérique centrale.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire