vendredi 9 janvier 2015

Monde : Rapport de la réunion du Comité exécutif international du CIO (4)

Perspectives mondiales : l'Asie, l'Afrique



Début décembre 2014, s'est tenue une réunion du Comité exécutif international du CIO (CEI), une structure composée de 2-3 délégués de chaque section nationale du CIO, élus lors de notre Congrès mondial bisannuel. Comme lors de chacune de ces réunions, le CEI a débattu de l'actualité mondiale, région par région, pays par pays, ainsi que de l'état d'avancement de notre travail dans nos différentes sections, pour ensuite déterminer notre ligne politique au niveau international, cela en vue d'encourager, accompagner, structurer et guider le processus de la révolution mondiale à venir jusqu'à l'année prochaine.

Ce rapport est en sept parties : 1) Grandes tendances et économie mondiales ; 2) États-Unis et Europe ; 3) Moyen-Orient/Afrique du Nord et Europe de l'Est ; 4) Asie du Sud et de l'Est + Afrique ; 5) Amérique latine (introduction et Amérique centrale) ; 6) Amérique du Sud ; 7) Débat sur la question nationale.


Ceci est la quatrième partie de ce document, concernant l'Asie et l'Afrique.

Retrouvez toute la série d'articles en cliquant sur ce lien : CEI 2014.

Hong Kong et la Chine

La situation explosive à Hong Kong, que le CIO et en particulier nos camarades chinois et hongkongais avaient prévue de longue date, a attiré l'attention du monde entier. Ces évènements cruciaux sont certainement une anticipation de ce qui pourrait survenir en Chine même dans un futur proche, bien que sans doute sous une forme différente. Nos sites ont régulièrement couvert l'évolution de la situation au fur et à mesure que la contestation se développait. Tout en soutenant l'expression massive des revendications pro-démocratiques, nos camarades – qui constituent la seule véritable force trotskiste dans la région – expliquent que la lutte à Hong Kong est intrinsèquement liée au renversement du régime dictatorial chinois sur le continent.

Les mouvements du passé ont échoué et se sont écrasés parce que leurs dirigeants ont refusé d'élargir le mouvement, parce qu'ils avaient peur de la réaction de Beijing. Nos camarades ont toujours mis en avant le fait que le régime chinois « peut être combattu à Hong Kong, mais ne peut être vaincu qu'en Chine ». Qui plus est, même une démocratie capitaliste limitée, surtout dans le monde néocolonial, est quelque chose de très fragile, qui peut être déraciné aussi rapidement avant même qu'elle n'ait le temps de germer, surtout dans des périodes d'intense tensions sociales comme on le voit à présent à Hong Kong. La contestation est alimentée non seulement par la soif de démocratie mais aussi par la hausse du cout de la vie, des loyers, des inégalités, etc. Hong Kong est aujourd'hui avec Londres une des villes où la vie est la plus chère au monde. C'est ce qui cause la colère et la ténacité des étudiants et de leurs sympathisants, qui les pousse à manifester sur une base quotidienne et à intensifier la lutte depuis plus d'un mois.

Le chef de l'exécutif hongkongais, C.Y. Leung (Lèung Zānyîng), n'est qu'une marionnette de Beijing, détesté par tout le monde : « Il ne se bat pas pour nous, disait un des manifestants. Il ne fait que gérer Hong Kong pour le compte du gouvernement chinois. En fait, il gère la ville pour le compte des grands patrons qui contrôlent tout. Nous avons 20 ans , nous avons un travail ; il est temps de quitter le domicile familial. Mais nous n'allons jamais acheter un appartement. Jamais. » En d'autres termes, « Les salaires des jeunes ont chuté de 10 à 15 % depuis l'an 2000 », disait Michael De Golyer, du Projet de transition de Hong Kong. Pendant ce temps, les prix de l'immobilier ont monté en flèche, pour atteindre 14 fois le revenu annuel moyen.

L'influx de population en provenance du continent (c'est-à-dire du reste de la Chine hors Hong Kong) a également accru la concurrence pour les emplois qualifiés, le logement et les sièges dans les transports en commun. C'est pourquoi la lutte pour les droits démocratiques à Hong Kong est irrémédiablement liée aux revendications sociales à Hong Kong et en Chine continentale. Si l'étincelle qui allumera le feu de la révolution pourrait bien venir de Hong Kong, il n'est pas exclu que les masses chinoises partent en action les premières. Il ne fait cependant aucun doute que la mémoire du passé (surtout le massacre de la place Tiān'ānmén d'il y a 25 ans) pèse lourdement sur la conscience des masses à Hong Kong comme en Chine continentale.

Mais les derniers mois à Hong Kong ont montré que la nouvelle génération s'est éveillée à une nouvelle vie politique et a commencé à se débarrasser d'une partie de la peur du régime de Beijing. De même, la jeunesse de Chine – malgré la lourde censure et le contrôle policier de l'internet – va prendre conscience de ces évènements, va y réfléchir, et finira par en tirer les conclusions qui s'imposent. Le fait que les étudiants se soient retrouvés en première ligne du mouvement à Hong Kong n'est pas fortuit : ils suivent en cela une tradition bien établie en Chine, où les étudiants sont souvent ceux qui ouvrent la voie aux mouvements de masse.

Bien entendu, nous avons vu l'écrasement sanglant des étudiants par le régime stalinien sur la place Tiān'ānmén en 1989. The Economist, comme s'il travaillait pour Beijing, rappelle aux étudiants et autres manifestants la brutalité de ce régime : « Sur les dix conflits les plus sanglants de l'histoire humaine, deux ont été des guerres mondiales. Sur les huit autres, cinq se sont déroulés ou ont démarré en Chine » (il s'agit, dans l'ordre chronologique, de la guerre des Trois Royaumes, de la révolte d'Ān Lùshān, de la conquête de la Chine par les Mandchous, de la révolte des Tàipíng, et de la guerre civile de 1927-50, qui ont toutes ensemble fait entre 100 et 200 millions de morts)

Toutefois, la force seule ne peut endiguer la marche de l'histoire. La répression stalinienne est parvenue à vaincre les étudiants en 1989, mais ce n'est que temporaire. N'oublions pas que ce sont des étudiants qui, 70 ans plus tôt, le 4 mai 1919, ont lancé le mouvement contre l'injustice du traité de Versailles (celui rédigé par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale et qui dépouillait l'Allemagne de toutes ses colonies et comptoirs dans le monde) ; un mouvement qui a finalement mené à la formation de ce même Parti communiste chinois – composé à l'époque de 11 personnes – qui allait diriger la révolution chinoise ! Il ne faut donc guère s'étonner de voir le Financial Times écrire : « Hong Kong ne sera plus jamais le même ».

Quant aux perspectives pour la Chine elle-même (Chine continentale), nous avons déjà touché un mot de l'évolution de l'économie sur le court terme. La récession mondiale a eu un impact majeur sur la Chine comme sur le reste du monde. Après 2008, le régime de Beijing était parvenu à maintenir un taux de croissance stupéfiant. Pas autant qu'avant, mais tout de même un des taux de croissance les plus grands, si pas le plus grand au monde. La Chine a d'ailleurs tiré de nombreux pays de la crise grâce à sa demande pour leurs matières premières. Mais à présent, la baisse de la croissance entraine d'importantes conséquences : les pays riches en matières premières, comme l'Australie ou le Brésil, sont en train d'entrer en récession au fur et à mesure que la croissance chinoise ralentit.

Le mouvement pour la démocratie à Hong Kong :
« La liberté est un droit, pas un privilège »

La montée en puissance de la Chine


La montée en puissance de la Chine a été remarquable tout au long de cette importante période de son histoire. La Chine était la plus grande économie mondiale en 1820, avec 33 % du PIB mondial ; mais un siècle plus tard, elle ne contribuait plus que pour 5 % de la production mondiale (vu la révolution industrielle en Occident). Les économistes bourgeois insistent sur le fait que la rapide croissance économique de la Chine a commencé avec les « réformes » libérales de Dèng Xiǎopíng en 1979, parce qu'ils désirent passer sous silence les immenses acquis qui ont été obtenus sur base de la révolution de 1949 : l'industrialisation et le développement social en termes d'alphabétisation, d'éducation et de santé. 

Malgré le frein que représentait le contrôle bureaucratique imposé d'en haut (que le CIO a analysé dans de nombreux autres articles), grâce à la planification de son économie, le PIB chinois s'est accru de 200 % (mesuré en parité pouvoir d'achat) tout au long de la période Máo Zédōng (1950-1976) tandis que le revenu par habitant s'élevait de 80 %. Sans cette révolution industrielle, la croissance rapide du PIB sous des régimes de plus en plus pro-capitalistes aurait été impossible.

Selon certains rapports récents, la Chine serait à présent déjà devenue la plus grande puissance économique du monde, bien que certaines institutions disent qu'elle devrait attendre au moins 2017, si pas les années 2020, pour pouvoir se confirmer en tête du classement. La croissance du PIB chinois a été en moyenne de +10 % par an tout au long de la période de 1979 à 2012, ce qui a permis à la Chine de doubler tous les dix ans la taille de son économie en termes réels. Au taux actuel, on estime que la part de la Chine dans le PIB mondial va s'accroitre de 5 % par décennie. Il y a environ cent ans, lorsque les États-Unis se trouvaient à un stade de développement similaire à celui où se trouve la Chine aujourd'hui, leur croissance était d'environ +2,5 % par an. À son apogée, le capitalisme britannique du 19è siècle croissait de +2 % par an. 

Cependant, il faudra encore des années avant que le revenu par habitant chinois n'atteigne le niveau de l'Occident. En termes de parité de pouvoir d'achat, le PIB par habitant en Chine est d'environ 9500 $, c'est-à-dire à peine 19 % du PIB par habitant aux États-Unis ; et on prévoit qu'en 2030, ce PIB par habitant chinois ne vaudra encore que 33 % du PIB par habitant américain. Cela s'explique par de nombreux facteurs, que nous n'avons pas l'espace d'analyser ici plus en détail.

En outre, la Chine a un gros problème démographique, avec une population qui commence déjà à vieillir et dont les pensions vont devenir de plus en plus difficiles à payer sur le moyen terme. La croissance de son énorme force de travail, qui est à l'origine de la rapide hausse de l'économie chinoise, a atteint un tournant. De 1991 à 2010, la population active chinoise a crû de 30 40 %, mais à peine de 0,2 % en 2011 14, et devrait commencer à décliner à partir de 2015. 

C'est ce qui a contraint le troisième plénum du Parti “communiste” à modifier la politique de l'“enfant unique” qui était en vigueur depuis 35 ans dans le pays (désormais, un couple a le droit de faire la demande d'une autorisation pour avoir un deuxième enfant, si un des parents est lui-même ou elle-même enfant unique). La réforme limitée effectuée par le plénum n'a elle-même provoqué qu'un enthousiasme limité : sur 11 millions de couples ayant désormais droit à un second enfant, seuls 700 000 couples en ont fait la demande. La raison principale en est le cout élevé de l'éducation d'un enfant dans les villes chinoises, en particulier la hausse incroyable des frais scolaires. 

Des analystes américains font remarquer que la Chine a une grande population mais pas assez de nourriture, d'eau et d'énergie pour l'entretenir. La question posée est donc « La Chine va-t-elle devenir vieille avant de devenir riche ? – la réponse est certainement “Oui”, si la richesse est définie par le niveau de l'Occident ».

Le scénario le plus optimiste que les analystes bourgeois ont à nous offrir est une baisse graduelle de la croissance chinoise. Mais un revirement pire encore pourrait se produire, un scénario dans lequel l'évolution du “capitalisme d'État” chinois passerait de plus en plus vers un modèle néolibéral de plus en plus “normal”, ce qui entrainerait un effondrement total de l'économie. En novembre 2013, le troisième plénum du Parti “communiste” chinois a appelé à un rôle plus « décisif » du marché, tout en soulignant l'importance continue du « secteur public ». 

Nous avons pourtant déjà entendu la même chanson auparavant : le régime avait conçu des plans pour une vague de privatisation massive et à grande échelle, mais avait reculé au dernier moment à cause de la crainte de voir se développer un chômage de masse, avec toutes les conséquences que cela entrainerait. Beaucoup des “princes” de l'économie sont enfoncés jusqu'au cou dans des scandales de corruption de haut vol impliquant des banques et des entreprises d'État. Toutefois, il est clair que le cap est maintenu vers de plus en plus de privatisations, dont les conséquences sont déjà prévisibles.

Le président chinois Xí Jìnpíng est arrivé au pouvoir avec pour objectif une centralisation croissante du pouvoir entre ses mains et entre celles du petit cercle qui l'entoure, en plus de vouloir mettre au pas la bureaucratie et faire cesser le pillage des ressources d'État par une corruption sans précédent. Le mécontentement par rapport à cet enjeu a en effet atteint une ampleur massive : dans un récent sondage Pew, 50 % des Chinois déclaraient considérer les cadres corrompus comme étant un « gros problème ». En 2008, cette opinion n'était partagée que par 39 % de la population.

La perspective selon laquelle la classe moyenne chinoise pourra d'une manière ou d'une autre éviter les troubles révolutionnaires est plutôt erronée. La Chine part d'une base économique relativement faible en termes de revenu par habitant. À part les troubles qui vont certainement provenir de la classe des travailleurs, de larges couches de la population, considérées comme “classe moyenne”, pourraient bientôt former les bataillons de ce que l'on pourrait appeler une “révolution des attentes frustrées”. Il y a déjà beaucoup de ressentiment en Chine contre la déclaration d'Obama selon laquelle « Il serait impossible pour la planète de voir la Chine ou l'Inde atteindre le niveau de vie des États-Unis ». 

Nous avons signalé la même chose dans notre ouvrage Le marxisme au 21e siècle, mais en avons tiré une conclusion différente. Nous y citions un écologiste chinois qui disait qu'il faudrait les ressources de quatre planètes pour pouvoir permettre à la Chine de vivre sur le même mode de vie que les États-Unis. Toutefois, cela ne veut pas dire que la Chine est condamnée à une éternité de bas niveau de vie. Car sur base d'une confédération socialiste mondiale, le niveau de vie moyen de toute l'humanité pourrait être égal ou supérieur au niveau de vie américain actuel, grâce à la mise en place d'un plan de production mondial démocratique et écologique.

Sur le court terme, la Chine se dirige certainement vers une grave crise. Elle a déjà une dette monumentale, qui est passée de 48 % de son PIB en 2008, à 261 % du PIB aujourd'hui. Nous devons nous attendre à des convulsions terribles en Chine, lesquelles auront, par définition, un impact mondial.

La Chine se dirige certainement vers une grave crise à plusieurs niveaux :
économique, démographique, social, ethnique, environnemental…

L'Inde


La croissance indienne a diminué de moitié, pour ne plus atteindre que 5 %. C'est Narendra Modi, chef du parti nationaliste hindou de droite BJP (Bharatiya Janata Party, « Parti du peuple indien »), qui a été élu Premier ministre à la suite des élections générales de cette année (le président indien a un rôle essentiellement honorifique et de “garant de l'État”, tandis que le pouvoir de décision appartient au Premier ministre, comme c'est le cas aussi en Allemagne et en Italie). 

La victoire de Modi a été considérée comme une défaite de la gauche. Mais cette affirmation est plutôt exagérée, vu qu'il n'a remporté que 31 % des voix, qui lui ont toutefois permis de remporter la victoire en vertu du système électoral indien qui donne automatiquement la victoire à la formation qui a le plus de voix, en un seul tour. Ce score est plutôt médiocre lorsqu'on le compare aux millions de dollars qui ont été dépensés en propagande et en cadeaux électoraux. Mais le BJP tente d'exploiter cette victoire pour se renforcer sur le plan national, pas seulement sur base du nationalisme hindou extrême. Il cherche plutôt à utiliser les modèles de Gandhi et Nehru (dirigeants historiques de l'indépendance et de la république indiennes).

La victoire de Modi ne représente pas une victoire décisive de la réaction, et ne signifie pas non plus que la classe des travailleurs est restée passive. En fait, de nombreuses petites grèves sont en train d'éclater çà et là, et il y a la possibilité de voir une action nationale être organisée d'ici la fin de l'année ou au début de l'an prochain. Néanmoins, la possibilité est réelle de voir la question nationale revenir à l'avant-plan du débat dans toute une série d'États, et on ne peut exclure l'émergence de conflits armés.

Toutefois, les énormes scandales de corruption et la mise en place d'une politique néolibérale ont semé le désarroi parmi le Parti du congrès (le parti national traditionnel de Gandhi et de Nehru). Du côté des différents partis “communistes”, ceux-ci sont de plus en plus affaiblis par leurs alliances successives avec divers partis bourgeois et par leur politique antisociale. Cela ouvre la possibilité pour notre petite voix de se faire entendre auprès de la masse des travailleurs, des paysans et des pauvres, afin de les appeler à la constitution d'un nouveau parti des travailleurs de masse qui reprendrait notre programme dans les grandes lignes. 

Dans ce pays où la vaste majorité de la population sont toujours des paysans sans terre et pauvres, une résistance de masse va se développer contre la poursuite de la politique néolibérale. La dégénérescence des partis “communistes” ouvre également la possibilité de voir grandir dans les villes des mouvements ruraux tels que le naxalisme (mouvement maoïste indien duquel se réclament un grand nombre de diverses organisations de guérilla paysanne, très actif dans l'Est et le Centre-Est indien).

Le naxalisme, version indienne du maoïsme (guérilla révolutionnaire paysanne),
pourrait connaitre une nouvelle résurgence dans un futur proche

Le Pakistan


Les masses du Pakistan sont confrontées à une situation horrible. D'un côté, elles sont tenaillées quotidiennement par la misère économique et sociale : la hausse du cout de la vie (surtout des prix des denrées de base) et la pauvreté affectent la vie de millions de personnes : 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. De l'autre côté, la croissance des sentiments religieux et la “talibanisation” du pays, couplées à l'absence d'une alternative socialiste large, fait que la classe prolétaire et les masses sont en ce moment en prise à un sentiment d'impuissance.

D'importants investissements dans l'infrastructure – surtout dans le domaine des transports – à Lahore et à Islamabad, en plus d'une certaine croissance (bien que limitée) ont permis au gouvernement de la Ligue musulmane du Pakistan (N) (Pakistan muslim lig), dirigée par Nawaz Sharif, de bénéficier d'une certaine période d'attente, lors de laquelle la population attend de voir ce que ce gouvernement a à lui offrir, lui laisse une chance, avant de se décider à agir. Cependant, cette “lune de miel” sera de courte durée. La décision du gouvernement de passer à de nouvelles privatisations de masse, en plus de la situation économique générale, va à un certain moment pousser la population à manifester son opposition. La défaite à prévoir de la lutte annoncée contre la corruption ne va que contribuer à ce processus.

Le gouvernement a aussi connu des tensions avec l'armée. Cependant, malgré le fait qu'il semble repousser les plans de l'état-major, il reste incapable de réellement remettre en question l'emprise des militaires.

L'influence religieuse croit de plus en plus dans le pays ; comme nous l'avons commenté auparavant, on voit se produire une véritable “talibanisation”. Les attaques sectaires et religieuses deviennent de plus en plus virulentes, ce qui, couplé avec l'inaction de la direction syndicale, renforce parmi les masses le sentiment que rien ne peut être fait. À un certain stade, ce sentiment va certainement changer. Cependant, il est extrêmement difficile d'accomplir la tâche de maintenir une organisation socialiste révolutionnaire lorsqu'on doit en même temps lutter en permanence contre de tels obstacles.

Lors des dernières élections, la croissance du parti d'Imran Khan, Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI, Mouvement du Pakistan pour la justice) a reflété un mouvement large issu des couches supérieures de la jeunesse petite bourgeoise des zones urbaines. Il s'agissait cependant d'un phénomène extrêmement contradictoire ; parmi une importante couche de ces jeunes, le mouvement provenait d'une aspiration au “changement”, à la “fin de la corruption”, et à une transformation radicale de la société.

Khan a cependant déçu de nombreuses sections de cette couche en s'avérant incapable de mobiliser de manière durable au-delà de ses récentes actions, ce qui fait que son parti se retrouve à présent isolé. En se contentant de parler des problèmes de fraude électorale, sans parler des véritables problèmes qui préoccupent les masses, son mouvement n'a pas pu se développer et a fini par décliner. Ce dernier développement signifie toutefois beaucoup, car il indique dans quel sens se fera l'évolution future du sentiment parmi les travailleurs et les pauvres. Il a révélé les failles qui s'ouvrent parmi les classes moyennes et le fossé qui les sépare de l'élite. Cela ouvre la possibilité qu'une petite section de ces couches se radicalise et puisse être gagnée à l'idéologie socialiste.

Le mouvement populiste petit-bourgeois d'Imran Khan semble s'essouffler,
mais a mené une partie de la jeunesse à se radicaliser

Le Sri Lanka


Le Sri Lanka a pu maintenir un taux de croissance de plus de 7 % en 2013 et 2014, surtout grâce à de gros investissements chinois et indiens dans des grands projets d'infrastructure. Malgré cela, les masses laborieuses n'ont toujours rien obtenu des “retombées de l'après-guerre”, après que la guerre civile se soit brutalement terminée en 2009 (une guerre civile qui a duré 40 ans entre les Tamouls, minorité hindoue séparatiste du Nord, et le régime du Sud à majorité cingalaise, bouddhiste). Au contraire, les droits démocratiques sont de plus en plus remis en question, et l'emprise militariste et dynastique de Rajapakse sur l'État s'est accrue. 

Cette ile d'une grande importance stratégique a reçu des investissements chinois pour un montant de plus de 3,5 milliards de dollars (2000 milliards de francs CFA) qui ont renforcé l'emprise de la famille de Rajapakse sur l'économie et les affaires d'État. En plus de cela, plus de 100 entreprises indiennes sont actives au Sri Lanka. Le nouveau gouvernement Modi en Inde a clairement laissé entendre qu'il ne va pas facilement abandonner ses intérêts et qu'il va continuer à fermer les yeux sur la nature dictatoriale de ce régime.

D'un autre côté, les principaux pays occidentaux qui exportent vers le Sri Lanka sont en perte de vitesse par rapport à l'Inde et à la Chine. Ils ont lancé une opération d'enquête sur les crimes de guerre du régime, menée par les États-Unis, qui a reçu l'opposition de la Chine et de la Russie. Pendant la visite du président chinois Xí Jìpíng en septembre de cette année, celui-ci a annoncé que la Chine « s'opposera résolument à toute tentative étrangère d'interférer dans les affaires internes du Sri Lanka, quel qu'en soit le prétexte ». Une nouvelle crise de l'économie mondiale qui s'accompagnerait d'un ralentissement de l'économie chinoise et des investissements étrangers au Sri Lanka pourrait toujours avoir un sérieux impact. L'énorme budget militaire, d'une hauteur de 2 milliards de dollars (1000 milliards de francs CFA) représente un véritable fardeau pour l'économie – il constitue 12 % des dépenses d'État cette année.

De plus, le régime dictatorial est de plus en plus impopulaire. Cela s'est illustré lors des récentes élections provinciales dans le Sud, lors desquelles le parti au pouvoir a perdu beaucoup de voix, même dans des provinces considérées comme ses bastions et où il y a eu de grands investissements chinois – c'est le cas dans l'arrondissement de Hambantota, l'arrondissement du président. Tandis que le régime utilise les forces nationalistes cingalaises afin de polariser la société pour se maintenir au pouvoir, le principal parti d'opposition bourgeois, le Parti national uni (Eksath Jathiya Pakshaya), cherche un candidat “nationaliste cingalais” alternatif afin de vaincre Mahinda Rajapakse lors des prochaines élections présidentielles. 

Même si Rajapakse va certainement remporter ces élections, ce ne sera pas facile pour lui, vu qu'il a perdu le soutien des minorités tamoule et musulmane, des étudiants et d'une partie importante de la population pauvre du Sud, en plus d'une grande partie de l'électorat des villes. Afin d'éviter de perdre des votes lors de ces élections, ce qui représenterait en soi une défaite, le président s'est résigné à faire quelques concessions dans le dernier budget, y compris une petite augmentation de salaire.

Cependant, il n'y a pas de force d'opposition de masse des travailleurs, des paysans et des pauvres qui serait capable d'organiser l'opposition croissante. La construction d'une telle force est une des principales tâches du Parti socialiste unifié (Eksath Samajavadi Pakshaya / Aikkiy soōcialica Kaci, section du CIO au Sri Lanka), malgré les énormes difficultés qui se présentent. Au contraire du Janatha Vimukthi Peramuna (JVP, Front de libération populaire), qui combine un chauvinisme cingalais extrême avec des drapeaux rouges et une phraséologie socialisante, nos camarades du ESP/ASK nagent à contre-courant de la contre-révolution en maintenant un programme socialiste envers et contre tous les obstacles. 

La fière histoire du ESP/ASK en tant que combattant déterminé pour la classe prolétaire et pour la défense de toutes les minorités, y compris le droit à l'auto-détermination des Tamouls, fait que nous sommes positionnés en tête parmi la gauche en termes de clarté, de perspectives, de vision, etc. Nous devons utiliser cet énorme capital politique en l'investissant dans la construction d'une puissante force socialiste parmi la jeunesse et les travailleurs.

Notre candidat Siritunga avait terminé troisième lors
des dernières élections présidentielles au Sri Lanka :
le candidat du peuple opprimé : Cingalais, Tamouls et musulmans,
combattant pour le vrai socialisme

La Malaisie


L'économie malaisienne est étroitement liée à celle de la Chine et sera affectée par le ralentissement de sa croissance. Le gouvernement du Barisan Nasional (BN, Front national), dirigé par l'Organisation nationale des Malais unis, est au pouvoir depuis 56 ans, depuis l'indépendance. Mais l'an dernier, ce parti a obtenu les pires résultats électoraux de son histoire, malgré avoir tout fait pour maintenir son hégémonie, y compris jouer avec les sentiments ethniques des Malais (la société malaisienne est divisée en trois grands groupes ethniques : les Malais autochtones, et les Chinois et Indiens d'origine allochtone). Le puissant mouvement anti-corruption “Bersih” (« Propre ») avait sapé les fondations du régime et se préparait à poursuivre les actions de masse après les élections.

Cependant, la coalition d'opposition du Pakatan Rakyat (PR, Alliance populaire) dirigée par Anwar Ibrahim, a tout fait pour freiner le mouvement de protestation contre la fraude électorale parce qu'il craignait que ce mouvement n'aille plus loin. Il ne voulait pas mener le mouvement plus en avant sur des questions sociales et politiques ; cela a été remarqué par les dizaines de milliers de jeunes, d'étudiants et de militants qui ont pris part au Bersih. Mais il n'y avait aucune force alternative pour proposer une stratégie de lutte contre le système et pour une politique socialiste.

En même temps que le régime réprimait brutalement le mouvement dans les rues, il a concédé quelques réformes pour favoriser certaines couches de la population, malgré le ralentissement de l'économie. Sa crainte d'un renforcement de l'opposition s'est illustrée par ses nouvelles tentatives de condamner Anwar Ibrahim pour une soi-disant affaire de débauche sexuelle.

La section du CIO en Malaisie a participé aux actions du Bersih en appelant le mouvement à ne pas se limiter aux accusations de fraude électorale mais aussi à adopter des revendications concernant le salaire minimum, de meilleures conditions de vie et à lier ces revendications à l'idée d'une transformation radicale pour quitter le système capitaliste. Malheureusement, le Parti socialiste malaisien et d'autres forces qui se disent socialistes ont préféré faire bloc avec la direction droitière et ethniciste du Bersih et n'ont pas voulu remettre en question le programme limité proposé par le PR.

Le mouvement Bersih (« Propre ») contre la corruption et la fraude électorale.
Un mouvement potentiellement très puissant mais malheureusement limité.

L'Afrique du Sud


Les élections nationales du mois de mai ont vu le Congrès national africain (ANC) se maintenir au pouvoir, comme on s'y attendait. Mais malgré le fait que ce parti obtient toujours 62 % des voix, son véritable soutien parmi la population en âge de voter n'est que de 35 % : si 11 millions de personnes ont voté pour l'ANC, 14 millions ont préféré ignorer le scrutin. Parmi les électeurs de l'ANC, 36 % seulement viennent des grandes villes et des régions industrialisées. L'ANC est donc en train de devenir un parti essentiellement rural ; d'importantes sections de la classe des travailleurs et de la classe moyenne sont en train de rompre avec lui. 

La médiocrité du résultat de l'ANC a accéléré le processus de crise interne ; de plus en plus de gens se demandent si Zuma va vraiment pouvoir terminer son nouveau mandat présidentiel. Le scandale causé par ses “travaux” somptueux effectués à sa résidence de Nkandla, financés par l'État – des travaux qui incluent une piscine, une salle de concert et une ferme à bétail – n'a fait qu'empirer les choses. Ce n'est d'ailleurs pas le seul scandale auquel Zuma et l'ANC sont confrontés ; leur autorité est en perte de vitesse. Le gouvernement ANC de la province de Gauteng tente déjà de se distancier du gouvernement national en organisant des actions publiques contre les postes de péage sur les autoroutes, détestés par toute la population.

Cependant, le principal intérêt des élections de 2014 a été l'émergence à gauche des Combattants pour la liberté économique (EFF, Economic Freedom Fighters), une formation populiste de gauche issue de la Ligue de la jeunesse ANC (qui a été dissoute depuis). Les EFF ont obtenu un million de voix et 25 députés sur base de leur programme de nationalisation partielle et de redistribution radicale des terres. L'arrivée de ce parti a complètement chamboulé la petite vie tranquille et polie que menaient les partis bourgeois au parlement. 

Toutefois, on voit déjà de sérieuses contradictions apparaitre au sein des EFF. Les militants se plaignent en effet du manque de démocratie et de l'exclusion de toute personne qui critique la direction. Ce processus ne fait que commencer, mais grâce à l'approche fraternelle et de principe que nous avons adoptée depuis maintenant un an et demi, nous sommes bien positionnés pour nous adresser aux forces honnêtes et combatives qui ont été attirées par les EFF mais qui sont aujourd'hui déçues. Malgré cela, les EFF n'ont certainement pas atteint leur apogée et vont certainement surpasser leur performance de 2014 lors des élections locales de 2016.

En décembre 2013, le syndicat des métallurgistes, la Numsa (Union nationale des travailleurs du métal d'Afrique du Sud, le plus grand syndicat du continent africain), a décidé de ne pas mener campagne pour l'ANC pendant la campagne de 2014, après que le massacre de Marikana leur ait ouvert les yeux. Malheureusement, la Numsa a refusé de prendre position lors de ces élections. Néanmoins, parmi les affiliés de la Numsa et parmi la classe des travailleurs en général, beaucoup de gens s'attendent à ce que la rupture de la Numsa vis-à-vis de l'ANC mène à l'émergence d'un nouveau parti des travailleurs, même si une partie de la direction de la Numsa préfère continuer à dire que ce n'est là qu'une « possibilité ». Le sentiment qui vit parmi les simples travailleurs confirme de nouveau l'immense soif d'une alternative politique de la classe prolétaire. 

En réalité, la Numsa s'apprête à construire sur des fondations qui ont été posées par la section sud africaine du CIO, qui a énormément œuvré pour populariser l'idée d'un nouveau parti des travailleurs pendant les grandes grèves des mineurs en 2012 et avec le lancement du Parti ouvrier et socialiste (Wasp, Workers and Socialist Party). La Numsa a annoncé qu'elle va se pencher sur cette question lors de la réunion de son comité exécutif central de mars 2015.

À la suite de la décision de la Numsa, on a vu se dérouler le film de l'éclatement au ralenti de la Cosatu (Congrès des syndicats sud africains), la grande fédération syndicale, alignée sur l'ANC, et qui comptait 2,2 millions de membres il n'y pas si longtemps encore. Ce processus a culminé avec l'expulsion de la Numsa au mois de novembre. Suite à cette expulsion, la réaction de 7 des 19 syndicats affiliés au Cosatu a été de quitter toute structure dirigeante de la fédération, en solidarité avec la Numsa. Ce qui indique que ces organisations sont prêtes à se battre contre cette expulsion. Comme nous l'avions anticipé lors de notre réunion du CEI de l'an passé, la décision de la Numsa de rompre avec l'ANC va logiquement mener à ce que ce syndicat prenne des mesures pour l'émergence d'une nouvelle fédération syndicale et d'un nouveau parti des travailleurs de masse.

Aux élections de 2014, le Wasp n'a reçu que 8331 voix (0,05 %), ce qui l'a positionné 21ème sur 29 partis en lice, en plus de 4159 voix reçues lors de trois scrutins provinciaux auxquels nous avions présenté des candidats. Ce résultat a été décevant ; le Wasp s'attendait à plus. Mais la montée rapide des EFF et la confusion causée par la direction de la Numsa, qui a refusé de prendre position en faveur de l'un ou de l'autre, a fait que le potentiel électoral du Wasp s'est retrouvé sérieusement restreint. 

Mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue que d'importants pas en avant ont été effectués lors de notre campagne. Ainsi, nous sommes parvenus à rallier Moses Mayekiso, le secrétaire général fondateur de la Numsa, qui est un dirigeant ouvrier hautement respecté et connu pour son rôle dans le mouvement de libération ; c'est lui que le Wasp a présenté comme candidat à la présidence. Le Wasp joue à présent un rôle important en tant que pôle de gauche parmi les forces qui gravitent aujourd'hui autour de la Numsa ; ce qui se comprend, vu que les militants de la Numsa et leurs délégués eux-mêmes interviennent dans chaque débat pour réclamer la création d'un nouveau parti des travailleurs de masse armé d'un programme socialiste.

La direction du Cosatu a préféré se débarrasser de la Numsa
plutôt que de répondre aux accusations de corruption
ou de remettre en question son alliance avec l'ANC

Le Nigeria


Les capitalistes aiment à citer l'économie du Nigeria en exemple afin de démontrer la capacité du capitalisme à développer l'Afrique. Le Nigeria est officiellement aujourd'hui la plus grande économie du continent africain, qui compte aussi le plus grand nombre de milliardaires en dollars du continent. Cependant, comme pour les autres pays africains, cette soi-disant croissance n'est fondée que sur la vente de matières premières – dans le cas du Nigeria, le pétrole et le gaz naturel – ainsi que sur les denrées alimentaires et les logements nécessaires à une population en pleine croissance. La chute du prix du pétrole révèle à présent la base très étroite de la croissance nigériane. L'industrie du Nigeria, loin de se développer, ne représente plus qu'une portion en berne de l'économie. En 2007, seuls 3 % du PIB venaient de l'industrie, comparé à 10 % en 1983.

La crise économique qui s'intensifie rapidement va fortement influer sur le cours des évènements au Nigeria. Depuis que les dirigeants syndicaux ont trahi la grève générale de 2012 – qui a été la plus grande grève de toute l'histoire du Nigeria – le niveau de lutte de classes a été relativement bas, bien que d'importants mouvements aient vu le jour depuis dans le secteur de l'enseignement supérieur. Il y a aussi des actions de la part des enseignants pour réclamer des mesures d'hygiène contre l'épidémie d'Ebola. Les nouvelles attaques sur le niveau de vie de la classe prolétaire qui vont à présent forcément arriver, surtout après les élections nationales de février, vont amener à une nouvelle vague de lutte de classe, quels que soient les efforts réalisés par les syndicalistes pour la retenir.

Cela va aussi poser la question d'une voix politique pour la classe prolétaire. La section du CIO au Nigeria – le Mouvement socialiste démocratique (DSM) – a une longue et fière histoire de lutte pour la construction d'un véritable parti de masse des travailleurs et des pauvres. La nécessité objective d'un tel parti est criante. Le cynisme envers les principaux partis capitalistes est profondément ancré dans la société. Le DSM a accompli de très grands pas en avant avec le lancement d'une campagne qui est parvenue à remplir les critères onéreux et antidémocratiques nécessaires pour faire enregistrer le Parti socialiste du Nigeria (SPN). Le fait que cet enregistrement ait été refusé montre bien qu'une partie de la classe capitaliste au moins reconnait le potentiel du SPN et le craint. Le DSM a maintenant lancé une campagne pour réclamer la reconnaissance du SPN, via les tribunaux.

La grève générale de 2012 nous a donné un aperçu de la puissance unificatrice du prolétariat. Aucune attaque terroriste ne s'est produite tout au long de la semaine qu'a duré ce mouvement, et on voyait fréquemment – y compris dans le Nord-Est où est basé le Boko Haram – des grévistes chrétiens encadrer les grévistes musulmans pour les protéger pendant la prière, et vice-versa. Cependant, la crise économique pourrait aussi approfondir les lignes de division ethniques et religieuses.

Boko Haram contrôle à présent une large région du Nord-Est, dont la population s'élève à 10 millions de personnes. L'extrême pauvreté dans cette région rurale du pays – où les trois quarts de la population vivent sous le seuil de pauvreté – crée des conditions dans lesquelles la jeunessse désemparée peut être attirée par les idées de Boko Haram, surtout vu le manque d'alternative et la brutalité sans nom qu'elle subit de la part des forces de l'État nigérian. En même temps, certains éléments de l'élite nordiste ne sont pas mécontents de voir le président sudiste discrédité par les victoires militaires de Boko Haram. Un autre facteur qui explique l'avancée de Boko Haram est la démoralisation de l'armée nigériane. De très nombreux soldats ont été condamnés à mort pour « mutinerie » et « trahison » à cause de leur refus d'aller se battre mal équipés contre une force relativement bien armée (qui a volé une grande partie de son matériel à l'armée nigériane).


L'élite nigériane considère le conflit de Boko Haram comme un problème confiné au nord-est du pays. Si cela peut être vrai à ce moment-ci, la crise économique peut également mener à une hausse des tensions nationales et ethniques entre les différentes factions de l'élite qui se battent pour les parts d'un gâteau qui devient de plus en plus petit. Après 16 ans de démocratie (bien que d'un caractère extrêmement tronqué et corrompu), la classe capitaliste ne va pas facilement revenir à un régime militaire, surtout parce qu'elle craint les terribles conséquences que pourrait avoir une nouvelle guerre civile. Toutefois, le capitalisme nigérian est d'une nature si instable qu'il n'est pas impossible qu'une prise en charge par l'armée se produise, peut-être avec une couverture “démocratique”.

Tandis que Boko Haram continue à semer la terreur, l'État nigérian
fait également tout pour empêcher la création d'une force militante
capable de redonner espoir aux populations

Lien vers la cinquième partie de ce document : perspectives pour l'Amérique centrale.

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